Devoir d'inventaire des savoirs médicaux

5 août 2013
Docteur François-Marie Michaut
lui laisser un message

Lorsque, il y a longtemps, j'étais étudiant en médecine, je ne me posais pas une seconde la question sur la façon dont la science médicale à absorber avait pu naître et se développer comme elle l'a fait. En vérité, comme pratiquement tous mes camarades, pour avoir une chance de passer des examens (en fait des concours non avoués) j'ai du être rapidement baptisé au dogme d'une sorte de religion scientiste infuse.
Une des premières séances d'introduction à la médecine, prononcées dans le grand amphithéâtre de la nouvelle faculté de Médecine à Paris, par le professeur Henri Péquignot, m'est toujours restée en mémoire.
L'un de ses thèmes était que le savoir médical triple tous les trois ans. Bigre ! Comment nos pauvres petits cerveaux allaient-ils bien pouvoir résister à une telle inflation ?
Comment alors ne pas penser, avec toute l'arrogance intellectuelle de la jeunesse, que nous sommes parvenus à un point insurpassable de la science médicale ? Autrement dit, une belle assurance trouvait droit de cité : nos ancêtres étaient tout simplement bien plus idiots que nous ne le sommes.

Je dois avouer ne pas avoir conservé le souvenir d'un seul de ceux qui devaient être mes instructeurs qui ait fait l'effort de me faire mesurer que, sans le travail gigantesque effectué par tous nos anciens depuis que les hommes se sont préoccupés de soigner les malades, la science médicale n'aurait jamais pu voir le jour. À titre de décharge, il faut bien dire que les programmes des études de médecine sont, depuis longtemps, pléthoriques. Chaque discipline, des sciences fondamentales les plus théoriques aux apprentissages les plus orientés vers la pratique, se livre à une compétition avec toutes les autres pour faire valoir ses droits à la plus haute gloire universitaire.
   La sanction constante de l'acquisition des connaissances au moyen d'examens en rafales n'autorise aucune perte de temps. Il ne reste guère de place disponible pour s'éloigner des programmes officiels, autant pour les professeurs que pour les étudiants. Des disciplines aussi indispensables à la culture générale des praticiens que l'histoire des connaissances, des cultures, des religions, des idées et, bien entendu de la médecine, sont totalement négligées. Elles sont censées ne servir à rien de concret pour les praticiens de demain. Comme si on n'avait besoin que de bons petits soldats bien obéissants aux ordres des généraux. Quelle dramatique erreur de jugement !

Est-il humainement vivable de ne pas connaitre les racines des métiers qu'on a choisi d'exercer ? Peut-on se contenter d'apprendre, aussi fidèlement que possible, le catéchisme de la science médicale du temps présent ? Peut-on ne tenir aucun compte du choc culturel violent que vit tout jeune médecin quand, confronté sans amortisseur hospitalier à la réalité humaine des malades qu'il soigne, il se rend compte que son premier travail est de «désapprendre» la plus grande partie de son bagage intellectuel pour commencer à apprendre, par ses seules forces, son vrai métier ?

Cette phase est parfois dramatique. Les idéaux les plus nobles pulvérisés peuvent conduire aux réactions les plus cyniques, dont, chacun a pu l'observer, la recherche systématique des seules compensations financières en guise de motivation directrice.

La science médicale, si tant est qu'une telle entité unitaire ait la moindre existence, est une aventure intellectuelle aussi vieille que l'humanité. Longtemps et partout intimement liée aux religions (lama veut dire médecin), elle a été conduite à des incursions dans de multiples directions. Certaines se sont révélées particulièrement fertiles jusqu'à nos jours. D'autres sont tombées dans l'oubli de nos mémoires.
Personne ne peut affirmer que, dans l'évolution de notre conception de l'homme, nous n'avons pas jeté à la corbeille des antiquités révolues quelques idées qui nous rendraient aujourd'hui les plus grands services pour soigner encore mieux, ou éviter, les maladies actuelles. La prospection géologique peut utiliser deux méthodes. Ne s'intéresser qu'aux territoires encore vierges, ou explorer, avec des techniques nouvelles et un regard rénové, des filons abandonnés jadis parce que supposés épuisés.

Où est la meilleure façon de faire dans le monde actuel ? À défaut de réponse claire, la question a, au moins, le mérite d'être posée.




Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « L'homme a été taillé dans un bois si tordu qu'il est douteux qu'on en puisse jamais tirer quelque chose
de tout à fait droit.»
Emmanuel Kant
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

      Lire les dernières LEM:

  • Verroteries, Jacques Grieu LEM 820
  • Le comment et le pourquoi, François-Marie Michaut LEM 819
  • Feux follets COUPS DE FEU, Jacques Grieu LEM 818
  • L'intelligence de l'optimisme, François-Marie Michaut LEM 817
  • Airements, Jacques Grieu LEM 816