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Formation économique 9

D'un caducée à l'autre n°30

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

... par une conception renouvelée de l'économie

Supposons que gérer comme le Dr Sincère entre dans les règles de l'art médical. Qu'en résulterait-il ? En première approche, un progrès mineur. À y regarder de plus près, un acte de grande portée.

Que ne feraient plus les médecins en gérant presque tous comme le Dr Sincère ? Ils ne feraient plus de leur salaire un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils ne feraient plus, tout autant, des rentabilités des cabinets médicaux un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils oseraient enfin dire qu'ils ont choisi de faire de la médecine aussi parce qu'il y avait à la clé ces ordres de grandeur. Personne ne leur en voudrait. Qui en veut à un pilote de ligne de posséder les qualités qui lui donnent accès à un haut salaire ? L'obsédé de la réduction des inégalités sociales ? Même pas !

 

En gérant comme le Dr Sincère, les médecins diraient leur acceptation des lois de marché. Ces dernières ne sont rien d'autre que les régulations des prix que la pratique des échanges marchands tend à établir. Leur acceptation par les médecins améliorerait leur image. Leur éthique s'en porterait mieux. Pourquoi annoncer de tels bienfaits ?

L'aura du corps médical dans le public est ternie d'hypocrisie. Dès qu'il est question des rapports entre l'argent et la médecine, la suspicion s'installe. Personne ne refuse aux médecins de bien gagner leur vie. Mais personne n'accepte qu'on fasse de la médecine avant tout pour bien gagner sa vie. C'est clair. En réalité, ça fait combien ici et maintenant de bien gagner sa vie dans le cas des médecins ? Les intéressés n'avancent pas de chiffres. On les comprend. Ils savent que si leurs prétentions sont trop élevées, le reste de la population se chargera de le leur faire savoir. Il existe, en effet, de toute évidence, un niveau de gain à partir duquel la carrière médicale est trop attrayante par l'aisance matérielle qu'elle procure. Ce niveau est, bien entendu, relatif.

Le Dr Sincère accepte pourtant que ce niveau relatif soit testé par ses propres annonces et celles de ses confrères. De ce test, il tire un plafond de gain ici et maintenant. Sans cacher à qui veut l'entendre que ses mérites justifient qu'il colle au plafond. En s'efforçant d'y arriver mais en même temps d'en rester là. Car dépasser est devenu pour lui une infraction au serment d'Hippocrate. Faut-il dire que le confrère Sincère a un temps d'avance sur nous ? Dans une vie antérieure, n'a-t-il pas suivi jusqu'à son terme une formation à une conception honnête de l'économie, et partant de la vie sociale toute entière ?

 

Le cas réel de la société S

Le salarié sans mandat de gérant de la société S est en fait son propre patron. Certes il rend des comptes aux associés et leur soumet les décisions principales. Mais c'est lui qui administre la société. Certes il est assisté dans cette tâche par un cabinet comptable choisi par l'un des associés. Mais c'est lui qui, au premier rang, veille au grain fiscal et " social ". Ce qui incombe à la société en tant qu'employeur, il le sait et il en assume la responsabilité tant vis-à-vis du salarié qu'il est que des associés. La condition de salarié " du privé ", il la connaît aussi bien puisque c'est la sienne.

Ce Janus est dans la même situation que le Dr Sincère. Pour la société S, l'unité d'Ïuvre est la journée d'intervention. Pour le Dr Sincère l'unité d'Ïuvre est la consultation. Pour la société S, la quantité clé est celle du nombre annuel de journées facturées. Pour le cabinet du Dr Sincère la quantité clé est le nombre annuel de consultations. Pour la société S le prix crucial est celui du prix de journée. Pour le cabinet du Dr Sincère, le prix crucial est celui de la consultation.

Le salarié du cas réel de la société S et le médecin du cas imaginaire du cabinet du Dr Sincère ont en commun d'avoir à résoudre pratiquement le même problème. Il leur faut fixer un salaire qui laisse à l'entreprise qui les emploie une marge de profit. Comment s'y prend le salarié de la société S ? Quelle leçon d'économie faut-il en tirer ?


D'un caducée à l'autre n°31

29 octobre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

Il n'est pas sûr que ce qui suit soit très légal. Pour quelle raison ? Nous entrerons plus tard dans ce débat. Le salarié de la société S agit ainsi. Il ajuste chaque mois ouvré sa rémunération R en fonction du chiffre d'affaires C du mois. Il le fait parce qu'il considère que la société doit, en priorité, dégager un profit P.

Pour estimer ce profit P, il applique un taux au capital de la société. Ce taux, fixé par les associés, est avant impôt sur les sociétés (IS). En ce moment, il est de 15 % l'an. Le capital de S étant de 200 mille francs, cela fait 30 mille francs par an de profit avant IS. Par mois ouvré, cela donne 2 750 francs (30 mille / 11).

 

3. Théorie du capital et du profit (suite)

 

3.3. Le profit se constate par différence (3, le cas d'école du Dr Sincère).

Pour constater le profit ou la perte du cabinet du Dr Sincère ou de la société S, les mêmes opérations sont à faire. Les voici, sans entrer dans leur détail. Ces deux entreprises font du chiffre d'affaires. La comptabilité dit qu'il s'agit de " produits ". Ces deux entreprises font des dépenses. La comptabilité dit qu'il s'agit de " charges ". La marge de profit est la différence entre les " produits " et les " charges ". Il n'y a pas de profit si cette marge est nulle ou négative. Il y a perte si elle est négative.

Ce constat n'est jamais que celui d'un ordre de grandeur. Avec une comptabilité exacte les produits sont connus au centime près. Mais il n'en va pas ainsi de toutes les charges. Parmi elles figurent très souvent au moins une sorte de provision. C'est celle qui, en bonne gestion, doit être constituée pour renouveler les équipements.

On dit de cette sorte de provision qu'elle constitue un " amortissement ". C'est un acte indispensable de bonne gestion. Sans lui, la valeur investie dans les équipements n'est pas reconstituée. Sans lui, la valeur du capital n'est pas conservée. Encore faut-il que la provision soit effective. Il arrive souvent que ce ne soit pas le cas. De plus la fiscalité s'en mêle. Toute une affaire en soi. Nous y reviendrons.

Le profit se constate par une différence donc le profit est une différence.

Vrai ou faux ? Reconnaissons que ce " donc " est bien tentant. Regardons-yÉ donc de plus près. Légions ont été et restent les économistes qui admettent qu'il est dans la nature du profit d'être un reste. La preuve réside pour eux de la façon dont le profit est constaté dans les comptes des entreprises.

N'est-ce pas une inversion qui conduit, de proche en proche, à prendre toute une série d'effets pour des causes ?

Peut-on " déduire " la nature d'une chose de la façon dont on la constate ? Prenons pour exemple le constat du nombre de médecins en activité en France. Un des moyens de dresser ce constat est d'aller consulter un annuaire spécialisé. Peut-on en conclure que le corps médical français est un annuaire ? De son côté , comme la sardine est à l'huile, l'économiste est distingué. Enfin, il faudrait qu'il soit un champion de la distinction juste dans le champ qu'il a choisi d'étudier. Or l'économiste qui assure du profit qu'il est un reste parce que c'est ainsi qu'il se constate se livre à un sophisme. Il lui faut alors d'autres propositions fausses mais justes entre elles pour donner le change. En premier lieu, il y a une vraie fausse science. En finale, il y a un imbroglio de sophismes qui ne sont même plus cohérents entre eux. Chacun peut en juger sur l'exemple suivant.

La conception dominante de l'économie admet à la fois que le profit est un reste et qu'il fait partie de la " valeur ajoutée ". Conséquence pratique de cette contradiction ? La rentabilité invoquée à tout bout de champ sans que nous soyons parvenus à nous mettre d'accord sur ce qu'est le profit et à quoi il sert. On laisse faire ? Tant pis pour nos enfants et petits-enfants qui risquent d'en payer le prix ? Après nous le déluge ?


D'un caducée à l'autre n°30

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

... par une conception renouvelée de l'économie

Supposons que gérer comme le Dr Sincère entre dans les règles de l'art médical. Qu'en résulterait-il ? En première approche, un progrès mineur. À y regarder de plus près, un acte de grande portée.

Que ne feraient plus les médecins en gérant presque tous comme le Dr Sincère ? Ils ne feraient plus de leur salaire un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils ne feraient plus, tout autant, des rentabilités des cabinets médicaux un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils oseraient enfin dire qu'ils ont choisi de faire de la médecine aussi parce qu'il y avait à la clé ces ordres de grandeur. Personne ne leur en voudrait. Qui en veut à un pilote de ligne de posséder les qualités qui lui donnent accès à un haut salaire ? L'obsédé de la réduction des inégalités sociales ? Même pas !

 

En gérant comme le Dr Sincère, les médecins diraient leur acceptation des lois de marché. Ces dernières ne sont rien d'autre que les régulations des prix que la pratique des échanges marchands tend à établir. Leur acceptation par les médecins améliorerait leur image. Leur éthique s'en porterait mieux. Pourquoi annoncer de tels bienfaits ?

L'aura du corps médical dans le public est ternie d'hypocrisie. Dès qu'il est question des rapports entre l'argent et la médecine, la suspicion s'installe. Personne ne refuse aux médecins de bien gagner leur vie. Mais personne n'accepte qu'on fasse de la médecine avant tout pour bien gagner sa vie. C'est clair. En réalité, ça fait combien ici et maintenant de bien gagner sa vie dans le cas des médecins ? Les intéressés n'avancent pas de chiffres. On les comprend. Ils savent que si leurs prétentions sont trop élevées, le reste de la population se chargera de le leur faire savoir. Il existe, en effet, de toute évidence, un niveau de gain à partir duquel la carrière médicale est trop attrayante par l'aisance matérielle qu'elle procure. Ce niveau est, bien entendu, relatif.

Le Dr Sincère accepte pourtant que ce niveau relatif soit testé par ses propres annonces et celles de ses confrères. De ce test, il tire un plafond de gain ici et maintenant. Sans cacher à qui veut l'entendre que ses mérites justifient qu'il colle au plafond. En s'efforçant d'y arriver mais en même temps d'en rester là. Car dépasser est devenu pour lui une infraction au serment d'Hippocrate. Faut-il dire que le confrère Sincère a un temps d'avance sur nous ? Dans une vie antérieure, n'a-t-il pas suivi jusqu'à son terme une formation à une conception honnête de l'économie, et partant de la vie sociale toute entière ?

 

Le cas réel de la société S

Le salarié sans mandat de gérant de la société S est en fait son propre patron. Certes il rend des comptes aux associés et leur soumet les décisions principales. Mais c'est lui qui administre la société. Certes il est assisté dans cette tâche par un cabinet comptable choisi par l'un des associés. Mais c'est lui qui, au premier rang, veille au grain fiscal et " social ". Ce qui incombe à la société en tant qu'employeur, il le sait et il en assume la responsabilité tant vis-à-vis du salarié qu'il est que des associés. La condition de salarié " du privé ", il la connaît aussi bien puisque c'est la sienne.

Ce Janus est dans la même situation que le Dr Sincère. Pour la société S, l'unité d'Ïuvre est la journée d'intervention. Pour le Dr Sincère l'unité d'Ïuvre est la consultation. Pour la société S, la quantité clé est celle du nombre annuel de journées facturées. Pour le cabinet du Dr Sincère la quantité clé est le nombre annuel de consultations. Pour la société S le prix crucial est celui du prix de journée. Pour le cabinet du Dr Sincère, le prix crucial est celui de la consultation.

Le salarié du cas réel de la société S et le médecin du cas imaginaire du cabinet du Dr Sincère ont en commun d'avoir à résoudre pratiquement le même problème. Il leur faut fixer un salaire qui laisse à l'entreprise qui les emploie une marge de profit. Comment s'y prend le salarié de la société S ? Quelle leçon d'économie faut-il en tirer ?


D'un caducée à l'autre n°32

5 novembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

... par une conception renouvelée de l'économie

Le cas réel de la société S

Que doit couvrir la différence entre le chiffre des ventes V d'un mois ouvré et le profit P ? Les amortissements A, les frais généraux F, la rémunération R du salarié. D'où le calcul de R par la formule V - (P + A + F). Exemple chiffré, en milliers de francs. Pour le dernier mois ouvré, la vente V est de 40. P étant de 2,75 et A de 1,25, R = 40 - (2,75 + 1,25 + 7,25) = 30. Est-ce à dire que la société S va pouvoir virer au compte du salarié 30 mille de francs ?

Les salariés ne sont-ils pas, c'est bien connu, des ivrognes ? Leur paie, ils ne songent qu'à la boire. Il leur faut des employeurs, et un État tutélaire, pour gérer à leur place une partie de leurs affaires. Cette partie est très importante. Plus de 50 % du vrai revenu de leur travail y est consacré. Et sur la petite moitié restante, il y a encore à payer les impôts indirects et directs. La réalité brute est là, combien

 

Un article du credo " social " actuel est qu'il faut assurer des congés payés aux salariés. Cela fait partie des " avantages acquis ". On laisse croire que c'est l'employeur qui les paie. La réalité est que les salaires seraient plus élevés sans cet " avantage acquis ". La différence serait égale au coût du versement d'un salaire pendant les congés.

Sur ce point, la société S est gérée de manière peu orthodoxe, voire illégale. En été, son salarié prend bien un plein mois de vacances. Mais il n'est pas payé ce mois là. C'est à lui de mettre de côté l'argent dont il veut pouvoir disposer pendant ce mois.

La capacité de placement du salarié s'en trouve augmentée. Celle de l'employeur s'en trouve diminuée. Or l'argent dont il s'agit appartient au salarié et à lui seul. La façon de faire de la société S est économiquement justifiée. Si cette façon était ouverte à tous les salariés qui en font la demande, est-ce que ce serait un recul de nos mÏurs ? Qu'à une époque les congés payés aient été un progrès fait-il que le droit à congé doit continuer à faire l'objet pour toujours du même dispositif financier ? Est-il ou non souhaitable que le salarié soit enfin conduit à disposer de toute l'autonomie qui lui revient ? Et vos congés de médecin libéral ?

 

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.4. Le profit est une marge ajoutée aux autres coûts de production.

À la conception du profit en tant que reste s'oppose celle du profit en tant que marge ajoutée aux coûts de production. Comment trancher entre les deux ?

On a souvent reproché à la théorie de l'économie d'abuser de la clause " toutes choses égales par ailleurs ". Dans la réalité les choses ne sont jamais égales par ailleurs. C'est vrai. Mais il est vrai aussi que la seule observation des faits bruts est loin de fournir les réponses à toutes les questions que cette observation suggère. Le recours à la clause " toutes choses égales par ailleurs " s'impose souvent pour faire dire à la réalité ce qu'elle ne donne pas à constater de façon directe.

La réalité ne donne pas à constater de façon directe si le profit est un reste ou une marge ajoutée aux autres coûts de production. Le raisonnement utilisant un " toutes choses égales par ailleurs " peut-il nous éclairer ? Si la marge moyenne de profit en proportion des ventes s'abaisse ou s'élève et que tous les autres coûts restent égaux par ailleurs, les prix des produits vendus par les entreprises ne peuvent que baisser ou augmenter. On peut en dire autant de n'importe quel autre coût de production. C'est notamment le cas des salaires.

 

En comptabilité d'entreprise, le profit ne doit pas être assimilé aux autres coûts, dits aussi charges. C'est nécessaire puisqu'un des objets essentiels de la comptabilité est de déterminer le montant du profit. Faut-il étendre cette nécessité à la théorie des échanges marchands ? Le profit est la contrepartie de la fourniture en échange du service du placement en capital. Le profit est un prix pour qui le touche, un coût pour qui le verse.


D'un caducée à l'autre n°33

10 novembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

Malgré la façon de faire de la société S sur la question des congés payés, c'est à peine plus de la moitié des 30 mille francs qui vont pouvoir être payés par S à son salarié. Si l'employeur devait provisionner les congés payés, ce serait moins de la moitié. Notre mentalité et nos lois jugent, sans même en être conscientes, que le salarié est incapable, au sens de cette notion en droit civil, de gérer par lui-même plus de la moitié du revenu de son travail. Sur l'autre moitié, du tiers au demi part en impôts dont aucun citoyen ne peut faire le total en ce qui le concerne. La France, pays démocratique ? Bien plus en paroles qu'en actes ! La France capable de former des médecins et de leur fournir des patients qui les uns et les autres, au sens littéral de l'expression, se rendent compte ? Pas encore.

 

Entrons dans le détail. Un médecin qui veut se rendre compte doit savoir ce qu'il advient des 30 mille francs de salaire entier, SE, alias " coût du travail " (une manière de ne pas dire qu'il s'agit du vrai salaire). La doctrine officielle est qu'ils se décomposent en trois parts sur la base, pour l'essentiel, d'une somme (laissons ici de côté les tranches qui servent d'assiette à la plupart des cotisations sur salaire). Cette somme est le " salaire brut ", SB. C'est elle qui fait fonction de prix du travail. C'est un prix faux mais c'est ainsi, non sans conséquences. La différence entre SE et SB est constituée par les cotisations réputées " patronales ", CP. Seules les cotisations " salariales " sont réputées être à la charge du salarié - " salariales ", notons-le au passage, comme si n'importe quelle cotisation faisant partie d'un salaire n'était pas, par définition, salariale. SE diminué des CP donne le salaire net, SN, à payer au salarié.

 

La relation SE - (CP + CS) = SN, avec SB +CP = SE et SB - CS = SN, n'est pas simple d'emploi. Les plus récents logiciels de paie sont maintenant programmés pour calculer " à l'envers " un SB à partir d'un SN. Mais encore faut-il, dans le cas que nous examinons, parvenir à déterminer d'abord un SN correspondant à un SE de 30 mille francs. C'est possible aux approximations près. Mais le fait que ce soit trop compliqué est, en soi, un enseignement. La confusion et l'inutilité des procédures de gestion de nos affaires " sociales " sont filles et mères de rapports sociaux confus, de dissensions inutiles, de fuite devant les responsabilités.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

 

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.5. Le profit est avant tout le terme d'un échange, marchand, en contrepartie du service du placement en capital.

 

Nous avons convenu de n'appeler, en théorie économique, " profit " que les bénéfices des entreprises.

La seule propriété qui n'appartient qu'au profit est d'être le terme d'un échange marchand dont l'autre terme est le placement en capital. L'intérêt et le salaire ont aussi une propriété qui leur est spécifique. L'intérêt est le terme d'un échange marchand dont l'autre terme est le placement en crédit. Le salaire est le terme d'un échange marchand dont l'autre terme est un produit du travail.

Voir avant tout dans le profit le terme d'un échange marchand n'implique pas du tout de ne voir que cela. Tout objet économique est plus qu'un objet économique par les autres rôles sociaux qu'il joue. Il est le véhicule d'affects. Il alimente des discussions à perte de vue. Il en acquiert des traits de caractère qui peuvent avoir peu de rapport, voire aucun, avec sa raison d'être.

Le profit est plus soumis à ce phénomène que le salaire, le capital et l'impôt. L'esprit de lucre lui est chevillé au corps. C'est dangereux. Le sentiment masque ce que la raison devrait voir. Or ce qu'il y a à voir est, nous le constaterons, deux régulations essentielles du système économique. Un corps médical rivé aux idées courtes les plus ordinaires dès qu'il est question de profit renforce une incapacité du corps social.


D'un caducée à l'autre n°34

10 novembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

L'éthique des justes prix

" Je donnerai mes soins gratuitement aux indigents et je n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. " C'est le premier engagement du Serment d'Hippocrate dans sa formulation actuelle. Le don qui n'est pas gratuit n'en est plus un. La notion de salaire sans rapport avec le travail fourni est assez floue pour n'engager à rien.

Tentons une formulation plus claire. La phrase citée du Serment engage à deux devoirs. Les deux phrases suivantes paraissent en respecter l'esprit. " Je ferai payer mes soins à leurs justes prix. Je ne ferai pas payer mes soins aux indigents. À première vue, le " je ferai payer mes soins à leurs justes prix " est tout aussi vague que le " je n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail ". Il n'en présente pas moins trois avantages décisifs. Il est plus réaliste. Il est attendu. Il peut recevoir un contenu technique et moral bien plus riche.

Il est plus réaliste parce qu'il y a dans les honoraires médicaux plus que du salaire. Répétons qu'un médecin dit libéral est, de fait, un salarié de son propre cabinet. Son statut économique est le même que celui de son confrère salarié au sens du Code du travail. Toutes les entreprises sont asservies à la même règle. Le prix final d'une prestation vendue par une entreprise doit couvrir trois coûts et laisser une marge. Le salaire du praticien qui a fourni la prestation n'est que l'un de ces coûts. Les frais généraux et les amortissements sont les deux autres sortes de coûts. La marge est, elle, de profit.

L'aspiration aux justes prix est un fait de société. Ce fait est occulté par la théorie moderne de l'économie. Mais entendons-nous bien. Les intuitions populaires sont incohérentes. L'économie ne fait pas exception, c'est le moins qu'on puisse dire. Cela n'autorise pas à rejeter en bloc ce que le sens commun pressent. De toute évidence il existe des justes prix.

Un seul exemple : Paul est peintre en bâtiment. Ici et maintenant, la subjectivité collective admet que le produit du travail d'une heure d'un docteur en médecine vaut le produit du travail de trois heures d'un peintre en bâtiment. Paul fait faire chez lui des travaux qu'il confie à André. André vend ses prestations à leurs justes prix si la facture qu'il présente à Paul respecte la proportion qui vient d'être dite. Se plaignant de douleurs, André fait appel aux soins de Paul. Paul vend ses prestations à leurs justes prix si la feuille d'honoraires qu'il présente à André respecte à peu près la même proportion.

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.5. Le profit est avant tout le terme d'un échange, marchand, en contrepartie du service du placement en capital.

Les soins médicaux sont, nous l'avons vu, des produits industriels. Le bon sens doit cependant venir vite au secours du sens commun pour amorcer une théorie juste des prix de ces produits. Il faut des salaires équitables et des profits équitables pour que ces produits soient vendus à peu près à leurs justes prix. " Évident, mon cher Watson ". Le " je ferai payer mes soins à leurs justes prix " ne pourra cependant faire utilement partie du Serment qu'à plusieurs conditions. En premier lieu, deux théories, avec les pratiques qu'elles impliquent, devront entrer dans la culture du corps médical. La logique et les faits imposent que l'une de ces deux théories serve de base à l'autre. La théorie de base doit être celle du capital et du profit. L'autre théorie doit être celle du salaire.

La théorie de base doit être celle du capital par réalisme. D'une part la suffisance du stock d'emplois dépend avant tout de la suffisance du stock de capital. D'autre part la médecine ne peut assurer son indépendance qu'en finançant et faisant financer ses équipements par le moyen le plus approprié à cette fin. Ce moyen le plus approprié est le capital placé en contrepartie du revenu périodique constitué par le profit. Le " je ferai payer mes soins à leurs justes prix " ne pourra faire utilement partie du Serment qu'à une autre condition. Il ne peut y avoir juste prix d'une prestation intellectuelle que si son unité de facturation est elle-même juste. Exprimons ce fait dans un vocabulaire un peu plus technique. Il ne peut y avoir de justes prix que s'il y a de justes unités d'Ïuvre. La tarification des actes médicaux devrait être révisée en se demandant d'abord si elle utilise l'unité d'Ïuvre la plus pertinente.


D'un caducée à l'autre n°35

25 novembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Médecine, capital, profit

Il n'en est toujours pas question de capital et de profit dans les comptes des médecins dits libéraux. Pour les cabinets de groupe et les cliniques privées, quelques références explicites à du capital et du profit existent ... à l'état de trace. Le corps médical et le fisc continuent à faire comme si ces choses n'avaient rien à voir avec l'art de soigner. Il faut être déjà un peu épicier, à savoir apothicaire, pour devoir se compromettre avec ces vilenies mercantiles... Disons-le tout net. Ce point de vue sur nos amis pharmaciens est minable.

Pas d'indépendance médicale sans indépendance économique. C'est là que le capital entre en jeu. L'indépendance est devenue une fiction quand l'achat et la modernisation des cabinets médicaux sont financés par trop de crédit et pas assez de capital. Il faut cavaler commeÉ un malade, comme un écureuil dans sa cage ( Dr Harold Burnham) pour faire face aux échéances." L'humble justice de l'échange " (Alain) est implacable. Le travail est échangé contre du salaire. L'octroi d'un crédit est échangé contre le service d'intérêts. Le placement en capital est échangé contre les profits. Tenter de faire vivre la médecine dans un autre monde revient à la priver à terme de toute sa liberté.

Je veux une médecine libre. Je ne veux pas qu'il soit question de capital et de profit dans les activités médicales. Je suis obligé de m'installer dans l'illusion. Il est impossible de concilier la liberté avec le manque de capital. C'est une loi de l'économie générale. Il est impossible de reconquérir la liberté de soigner, et d'être soigné, avec des médecins qui sont trop nombreux à ignorer ce que capital et profit sont au juste et à quoi ça sert. En général et dans leur cas. C'est une loi de l'économie des soins médicaux.

Un cabinet médical produit des soins dont il vend la plus grosse partie. D'accord, d'accord, le but du médecin n'est pas de vendre (nous y reviendrons). Il est bel et bien de rendre service. Mais ne voyons pas une exception là où il n'y en a pas. Tous les acteurs sur la scène économique sont logés à la même enseigne. S'ils ne vendent pas assez, ils ne joignent pas les deux bouts, comme l'on dit. Pour vendre assez, il faut assez rendre service. Pour rendre assez service, il faut assez d'instruments. Pour financer dans les meilleures conditions ces instruments, il faut du capital. Pour honorer l'échange dont le capital est un terme, il faut du profit.

Personne n'a jamais pu et ne pourra jamais briser ces liens de causalité. Des esprits embués continueront à les refuser ou les négliger. Sur ce point encore, le monde de la santé ne fera pas exception. Ce sont pourtant ces liens qui nous procurent notre pain quotidien et souvent peu ou prou plus. Il est tout à fait puéril de ne pas le reconnaître.

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.6. Le profit est aussi légitime que le salaire et l'intérêt.

Salaire, intérêt et profit sont les contreparties de la fourniture d'un service. Dans le cas du salaire, il s'agit du service fourni au moyen d'une dépense d'énergie personnelle. Dans le cas de l'intérêt, du service du prêt à terme. Dans le cas du profit, du service du placement en capital. Le profit est aussi légitime que le salaire et l'intérêt. Refuser le profit parce que trop " capitaliste " n'a pas de sens. Tout cabinet médical verse un salaire périodique à au moins une personneÉ souvent encore par prélèvements indisciplinés. Tout cabinet médical devrait dégager un profit périodique proportionné au capital qui le finance.

Ne pas faire d'un profit raisonné un devoir de tout médecin libéral aussi, c'est (feindre de) ne pas savoir que c'est contraire à l'intérêt général. Cet intérêt est que toute l'épargne placée en capital soit rémunérée. Il est aussi que cette rémunération soit faite à un taux publié. Sans cela, il n'y a trop peu de capital. Donc il y a trop peu d'emplois tant en quantité qu'en qualité. Sans cela, il y a trop peu d'autonomie des entreprises. Donc trop peu de libertés circulent dans les veines du corps social et du corps médical.


 

D'un caducée à l'autre n°36

1 décembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

But et moyen (1)

Hippocrate - Que va-t-il se passer si nous autres médecins allons disant que nos cabinets sont des entreprises ? L'opinion publique va en déduire que notre but est celui de tous les entrepreneurs. Or, pour elle, ce but est le maximum de profit. Ce n'est pas compatible avec notre éthique. Nos patients tolèrent relativement bien que l'industrie pharmaceutique et les assureurs privés fassent du profit. Nous aussi d'ailleurs, au demeurant, en majorité. Mais nous n'osons pas franchir pour nous le pas, comme par peur de transgresser un tabou.

 

Exocrate - Ce tabou existe bel et bien. Le corps médical est loin d'être le seul organe du corps social qui tient à le conserver. C'est la clé de voûte de toute une représentation fausse mais commode. Il vous faut oser un refus et oser une affirmation. Osez refuser d'attribuer d'office à tout propriétaire ou copropriétaire d'une entreprise le but du maximum de profit. Osez affirmer que le profit n'est qu'un moyen. Persistez quel que soit ce qui se dit et se fait dès qu'il est question de profit et de rentabilité. Le bon sens est avec vous. La logique est avec vous. L'économie politique remise à l'endroit est avec vous.

Hippocrate - Le profit, qu'un moyen ? Ce n'est pas ce qui se dit le plus souvent. Ce n'est pas ce qui s'enseigne le plus académiquement. Ce qui a été, pour ainsi dire, gravé dans nos têtes est que le but suprême du libéralisme capitaliste c'est le maximum de profit. Du coup le profit en tant que moyen, cela ne nous dit rien du tout. Un moyen de quoi ? Et si le profit est, comme tu le dis, avant un tout un moyen, quel est alors le but ?

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.7. Le profit n'est pas l'objectif de l'entreprise.

Le principe d'économie politique selon laquelle le profit n'est pas l'objectif de l'entreprise est contraire au préjugé le plus répandu, et le plus enseigné, dès qu'il est question d'entreprise. Or dès qu'il est question d'économie, d'emploi, de retraite, de sécurité sociale, etc. il est au moins implicitement question des entreprises, de leurs raisons d'être, de leurs modalités de fonctionnement. Il faut savoir que c'est au préjugé contraire au principe ici énoncé qu'énarques et syndicalistes sont les plus nombreux à croire dur comme fer. La conséquence est très lourde parce qu'un tel principe d'économie politique est évidemment aussi un principe de morale de la vie sociale.

Dans sa chronique titrée Le profit est-il l'objectif ? (Les Échos du 5 novembre 1999, p. 63) Paul Fabra livre à ses lecteurs un commentaire de ce principe. Pour situer ce commentaire, reproduisons le résumé que son auteur donne lui-même de sa chronique : " Aussi incroyable que cela puisse paraître, les grands groupes privés tendent à gérer le capitalisme selon le schéma formidablement déformé qu'en avait donnéÉ Karl Marx ".

" Rien de plus normal que de prendre en grande considération les intérêts de ceux qui ont apporté leur épargne en vue de constituer le capital d'une société [= de toutes les sortes d'entreprises, cabinets médicaux inclus]. Mais qu'on y réfléchisse bien, le capital n'a pas d'autre objet, dans l'Ïuvre de production (le commerce est une production ainsi que tous les " services " offerts sur le marché [dont celui des soins médicaux]) que de permettre au travail d'être productif, le plus productif possible. Du point de vue de l'économie en général et de l'entreprise en particulier, celui qui apporte son travail est aussi indispensable que l'apporteur des fonds [des " fonds propres ", c'est-à-dire du capital] , même si l'on doit reconnaître que ce dernier a une antériorité dans l'acte de constitution de la société, d'où découlent ses droits de propriété. Selon cette logique, le profit n'est pas à proprement parler l'objectif de l'entreprise capitaliste, il est la condition sans laquelle elle n'existerait pas. Aucune chance en effet de réunir un capital sans l'espoir d'un bénéfice. "


 

D'un caducée à l'autre n°37

1 décembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

But et moyen (2)

Hippocrate - Je te répète qu'il a été gravé dans nos têtes de médecins, et de citoyens, que le but suprême de l'économie libre est le maximum de profit.

Exocrate - L'économie, c'est la mécanique des échanges marchands et des transferts de pouvoir d'achat. Or une mécanique n'a pas de but. Les mécaniciens, eux, en ont. Ton cabinet médical est un dispositif sans but. Toi tu as des buts. Quel est ton but principal ? Est-il économiquement viable ?

Examinons d'abord ces questions.

... par une conception renouvelée de l'économie

 

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.8. La vocation naturelle de l'entreprise est la satisfaction d'une clientèle.

." But de l'entreprise " est une expression utilisée à tort et à travers, en théorie économique aussi. Dans une langue maniée avec assez de soin pour s'en tenir d'abord aux faits, cette expression ne prend un sens que si elle s'applique à tous les propriétaires et dirigeants des entreprises. Autant dire que ce sens est introuvable. Tous les propriétaires d'une même entreprise, et à plus forte raison de toutes les entreprises, ne hiérarchisent pas leurs vrais buts, quand ils en sont conscients, de la même façon. Il en va de même de tous les dirigeants, un collège au demeurant en bonne part différent de celui des propriétaires. Ces diversités et ces incertitudes ne sont pas détachables de la pratique même de la liberté d'entreprendre et de gérer. Chercher, tout en admettant le bien fondé de cette pratique, à identifier le " but de l'entreprise ", commun de façon certaine à toutes les entreprises, ne peut que créer l'illusion d'avoir trouvé ce qui n'existe pas.

 

Cette illusion est une des grandes faiblesses de la pensée économique dominante. Un bienfait essentiel s'en trouve masqué. La liberté d'entreprendre crée et entretient plusieurs concurrences. Ces concurrences déterminent à leur tour une vocation naturelle de n'importe quelle sorte d'entreprise. Cette vocation peut fort bien de ne pas inspirer le choix de leur but par les chefs d'entreprises. Ce défaut de reconnaissance n'empêche pas que cette vocation existe indépendamment de toute volonté.

La vocation naturelle de l'entreprise en situation de concurrences est la satisfaction d'une clientèle. C'est un fait essentiel. C'est aussi un fait qui n'a rien de neuf. Une entreprise qui, pour une raison quelconque, a perdu trop de clients, ou bien n'a jamais réussi à transformer assez de prospects en clients, n'a plus aucune valeur. Le capital qui a servi à tenter de la faire vivre est perdu. C'est non seulement de profit et de plus-value dont il ne peut pas être question dans ces conditions. C'est aussi de conservation de la valeur de l'épargne placée en capital dans cette entreprise et des premiers emplois créés au moyen de ce capital. Il reste d'usage de voir dans l'individualisme un trait fort de toute économie libre. C'est trop vite dit. C'est aussi à de l'altruisme - le respect et le service des autres - que la pratique des échanges pousse (certes un altruisme intéressé mais existe-t-il vraiment des altruismes désintéressés à tous points de vue ?).

Il n'est pas sérieux d'objecter que ces réalités font que toute entreprise a certes un besoin vital de clients mais pas besoin de la satisfaction de ses clients. Si c'était vrai, ce qui vaudrait dans toutes les activités vaudrait aussi en médecine. Il n'y a que les clients captifs des monopoles, par la loi ou de fait, qui sont privés de la liberté de choix. L'économie de marché rend à tout un chacun des pouvoirs d'arbitrage que l'économie dirigée confisque. Que la prospérité de la population bénéficiaire s'en trouve accrue, l'histoire l'a prouvé. Qu'il en résulte une démocratie plus réelle, l'histoire l'a aussi prouvé.

Pourquoi tant et tant en doutent-ils encore ? Il faut le courage du parler vrai sans avoir peur de se faire rire au nez. Courage de dire que la règle du jeu d'une économie libre est le maximum de satisfactions sous contrainte de justes rémunérations. Courage, donc, de ne pas se laisser aller au facile préjugé contraire selon laquelle la règle de base est le maximum de gains. Courage, donc, de confier d'abord à la justice naturelle de l'échange libre la réduction des injustices sociales par abus de pouvoir.


 

D'un caducée à l'autre n°38

15 décembre 1999

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

But et moyen (3)

Exocrate - Ton but principal est-il de gagner le plus d'argent possible ?

Hippocrate - Tu connais mon Serment. Tu connais mon Code de déontologie. Il y est dit que la profession de médecin n'est pas commerciale. C'est, tu le sais bien, une façon d'éliminer le but du plus grand gain.

Exocrate - C'est aussi, Hippocrate, une façon de dire que le commerçant a, lui toujours pour but de gagner le plus d'argent possible. Or la seule chose qui puisse en la matière se prouver, par examens cliniques répétés, est que ce n'est pas systématiquement vrai. Mieux vaudrait que ton Serment et ton Code de déontologie disent clairement que tu t'interdis d'avoir pour but de gagner le plus d'argent possible. Cela t'éviterait d'apporter ton crédit à une rumeur fausse et néfaste.

Hippocrate - Dont acte, Exocrate. Mais ne finassons pas avec les mots. Tu sais bien quel est mon but principal. C'est de soulager et, chaque fois que cela se peut, de guérir. Toutes les professions ne peuvent pas en dire autant !

Exocrate - En es-tu si sûr que ça ? Ton but n'est pas lucratif. Il n'est d'ailleurs pas quantitatif. Il est du côté du service que tu rends. Il est qualitatif. Ton métier est, comme tu viens de le dire et comme tes clients te le demandent, " de soulager et, chaque fois que cela se peut, guérir ". Mais aussi tous les métiers, et non pas que le tien, ont pour fonction de rendre service à autrui ! Ton but a certes un aspect spécifique. Il n'en a pas moins un aspect commun à tous les professionnels qui ne se contentent pas de la proposition faussement explicative : " je travaille pour gagner de l'argent ".

Hippocrate - Irais-tu jusqu'à dire que le but naturel de tout travailleur et de toute entreprise est la serviabilité ? L'âpreté au gain ça existe ! Sa rentabilité n'est-elle pas à une entreprise ce que la bonne santé est à un individu ?

Exocrate - La liberté des échanges marchands dicte le devoir de la serviabilité aux travailleurs et aux entreprises. Ceux qui refusent le plus ce fait sont, d'une façon ou d'une autre, à l'abri de la concurrence. Je te prie de remarquer que ces mêmes sont les premiers à faire jouer la concurrence entre leurs fournisseurs. Ce n'est vraiment pas par hasard que les agents des " services publics " sont si souvent pris en défaut d'une serviabilité à laquelle leur position protégée ne les voue pas. Sur l'âpreté au gain et la rentabilité des entreprises, cabinet médical inclus, tu as raison. Mais prenons bien garde à ne pas voir un but inévitable dans ce qui est, en fait, un moyen indispensable.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

 

3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.9. Le profit est le prix du placement en capital. L'expression la plus appropriée de ce prix est le taux de profit sur capital.

 

Il existe deux manières d'exprimer le prix du placement en capital. L'une consiste à rapprocher le profit en valeur absolue du capital qui y a donné droit. Il s'agit donc du taux de profit sur capital. Le plus souvent, il s'agit d'un profit annuel. L'autre manière inverse les termes. C'est la valeur actuelle du placement en capital qui est divisée par le profit annuel. Elle est connue sous le nom anglais de Price Earning Ratio (PER).

 

De ces deux manières d'exprimer le même prix, la première est la plus significative. Elle seule permet la comparaison directe entre la rentabilité de l'épargne placée en capital et la rentabilité de l'épargne placée en crédit. Le prix du crédit est lui, en effet, toujours exprimé au moyen d'un taux déterminé en plaçant au numérateur le montant des intérêts annuels et au dénominateur le principal - le taux d'intérêt devenu si familier.

Les taux de profit sur capital sont moins connus que les taux d'intérêt. Est-ce significatif ? Il se dit que notre économie est capitaliste. Il est permis de se demander si elle n'est pas avant tout créditiste.

Formation économique 9