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 N° 442
 
 
 
    3 avril 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Homo precarius

Docteur François-Marie Michaut Lui écrire

Non à la précarité a été l’un des grands slogans de nos jeunes, et moins jeunes, défilant en cortèges dans nos cités pour manifester. Que voilà une bonne raison de nous poser quelques questions pour tenter de comprendre autrement ce qui se passe qu’en se contraignant à adopter le point de vue des contre ou celui des pour telle mesure légale de notre vie sociale et professionnelle ( qu’en vérité on oubliera en quelques mois).

retrouver la confiance

Fidèles à une pratique courante à Exmed, commençons par passer sous la loupe grossissante de l’étymologie le fameux mot, chargé dans tous les discours des pires maux, de précarité. Notre dictionnaire de J.Dubois, H. Mitterand et A. Dauzat est formel. Il s’agit au départ d’une notion juridique exprimée par le latin precarius. Ce qui veut dire : “obtenu par prières” ( prex). Le fruit de l’aumône, en quelque sorte. Puis, peu à peu, s’est dégagée la notion de révocation. Celui qui donne pour répondre à une demande peut, un beau jour, décider qu’il ne donne plus. Ce type de situation est le quotidien de ceux qui font la manche. En médecine, parlons clair, un état de santé précaire ne laisse guère de doute : la mort est au coin de la rue.

restaurer la conscience

Et voilà, le gros mot absolu, celui qu’il ne faut surtout pas prononcer, est là. La mort rôde dans tout ce qui est précaire, voilà ce que nous pensons volontiers. Et, à l’inverse, la stabilité est, pour la multitude, une véritable assurance vie. Sept sur dix de nos étudiants, dit-on, ont pour projet de travailler dans la fonction publique en France. La “vraie vie”, la bonne vie, c’est donc celle ou l’on bénéficie d’un emploi à vie, suivi d’une retraite précoce garantie par l’Etat ? Une vie sociale stable pour pouvoir vivre en oubliant le plus possible ce qui nous chagrine tellement. Notre vie elle-même n’est qu’un bien court sursis, si terriblement précaire

renforcer la compétence

Si notre course épuisante pour oublier que la mort nous attend voulait bien cesser, juste un petit moment, nous pourrions ouvrir les yeux sur ce qui se passe en nous et autour de nous. Nous aurions alors le plus grand mal à trouver quoi que ce soit qui ne soit pas précaire, de nos cellules constituantes aux montagnes que notre courte vision ne nous permet pas de voir se transformer. Étrangement, pas de vie animale, végétale, minérale ou cosmique possible sans mouvement, sans ruptures, sans changement, sans mort. Autrement dit, tout est précaire à qui veut bien voir. A une seule exception : ce qui est déjà mort. Finalement, n’aurions-nous pas tendance, avec la louable intention de rendre notre vie plus facile et plus aisée, à nous condamner à un univers placé sous le signe de la mort ?
La notion de société suicidaire correspondrait-elle par hasard à une réalité dans laquelle nous nous complaisons avec notre obsession de nous libérer de toutes les précarités ? A moins que notre vieux et excellent clinicien Freud, si mis à mal en ce moment, n’ait eu une géniale intuition en parlant de notre pulsion de mort ? Homo precarius, voici ce que nous sommes en vérité du début à la fin de notre vie.

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




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