Inéluctable récolte

21 mai 2012
Docteur François-Marie Michaut
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La notion de changement est à la mode dans le discours politique de l'heure. La vie de notre corps n'étant qu'un permanent renouvellement de nos cellules constituantes, il est difficile de s'en sentir exonéré. La fin des mitoses signe notre propre fin d'être vivant, c'est une évidence. Mais quand les mêmes divisions cellulaires, pour des raisons que nous sommes loin de toutes comprendre, s'emballent dans des processus cancéreux échappant à tout contrôle, la mort est au bout de la route.
   Le changement en lui-même, quoi qu'en disent les slogans simplificateurs, n'est ni bon ni mauvais.   

Retrouver la confiance

Quelque chose ne va pas dans notre manière de nous soigner, tant à titre préventif que curatif, et Dieu sait qu'il y en a, et nous voici pris d'une incontrôlable frénésie intellectuelle. Même si des situations inadmissibles ont perduré des années, comme par exemple l'usage de complaisance pendant quarante ans, de médicaments pour couper l'appétit des personnes enrobées (voir la médiatique affaire mediator - significatif cousinage des mots) la fringale d'action s'empare des autorités.
    Il faut prendre des mesures. Tels des métreurs de l'invisible, nos experts derrière leurs écrans et leurs chiffres, et dans des ribambelles de réunions feutrées s'agitent. Pourquoi tant de précipitation soudaine ? Mais parce que ces fameuses mesures, dont on ne peut jamais savoir ce qu'exactement elles mesurent, doivent toujours être prises d'urgence. Urgence ? Voilà un mot qui résonne à l'oreille des médecins. Agité à tort et à travers par des patients ou leur famille pour forcer le praticien à intervenir immédiatement à leurs demandes, sa réalité dans la pratique quotidienne ordinaire demeure exceptionnelle. Le médecin aguerri a appris, à ses dépens comme à ceux de ceux qui lui ont fait confiance, qu'il était souvent urgent de savoir attendre.

Restaurer la conscience

Le culte de l'action pour l'action, la recherche de l'efficacité à court terme, le choix du spectaculaire, la volonté de faire plaisir à telle ou telle catégorie, la gloriole éphémère d'accrocher son nom au bavardage médiatique, tout cela laisse des traces. Ce sont autant de forces qui sont mises en oeuvre : toutes entrainent à court moyen et long terme des conséquences et des réactions. La réalité à laquelle nous sommes confrontés est le résultat de tout ce que nous avons semé les uns et les autres avec la plus grande légèreté. Le temps de la récolte est là, nous ne pouvons pas y échapper, quelle que soit notre folie réformiste ou notre aveuglement collectif. La réalité dans notre petit univers de la santé des hommes est exactement ce que nous en avons fait.
   Alors, ou nous continuons comme nous avons coutume de le faire à orienter nos actions au coup par coup, en fonction des outils dont nous disposons et de l'actualité immédiate, ou bien nous nous décidons enfin à prendre les moyens de regarder plus loin que le bout de notre stéthoscope personnel ou de notre mandat électoral.

Renforcer la compétence

Comment s'est constituée au fil des temps et des cultures notre médecine ? Les études médicales ne nous disent rien de cela. Pourquoi les humains de tous les continents, aussi loin que remontent nos connaissances, ont-ils pris le soin de se doter des moyens de se soigner, autant spirituellement que dans leur corps ? L'enchevêtrement inextricable pour nous avec le sacré et le religieux agit comme un repoussoir intellectuel. Tout ce qui n'a pas reçu le label scientifique bon teint est jugé comme sans importance.
   Depuis un siècle et demi, la science, sous toutes ses formes, faisant le choix de se séparer intellectuellement des religions, a pris un essor planétaire sans précédent. Les grandes avancées scientifiques, qu'on ne saurait trop admirer, la médecine en est une illustration, sont derrière nous. Le constat est rarement formulé parce qu'il est probablement angoissant pour notre attitude de fuite en avant sans limite. Ce sont les techniques développées avec obstination par notre monde d'ingénieurs qui peuvent encore nous donner l'illusion que notre compréhension de la réalité est toujours en pleine évolution.
   Ces techniques issues des sciences accumulent des déchets dont nous avons pleine conscience qu'ils mettent en péril notre planète et ses fragiles occupants. L'homme espèce menacée au même titre que les ours polaires ou les pandas, c'est une évidence.

  Voilà, dite sans détour, l'addition que nous avons à payer. C'est une dette collective et individuelle infiniment plus grave que celle de nos finances mondiales. Nous ne pouvons que la régler, sous peine de mort, les écologistes nous le serinnent assez. Sommes-nous assez suicidaires pour continuer à l'aggraver sans nous poser la moindre question? La réponse n'appartient pas aux politiques, ni aux responsables de quoi que ce soit, mais à chacun de nous.

Os court : «Réfléchir, c'est préférer.»

Louis Scutenaire


Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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