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Lettre
d'Expression médicale n°418
Hebdomadaire francophone de santé
17 octobre 2005
Sens ... interdit
Docteur Françoise Dencuff
Ferry - Julliard, LCI 7octobre 2005 : le malaise français.
Voilà nos élites intellectuelles au chevet de la France
déprimée. Un peu confus pour ce qui est de lanalyse
de ce mal-être mais
ils ne sont pas toubibs et ne côtoient
pas au quotidien des humains déprimés.
Déprime sociale, déprime des marchés, les politiques
et les économistes ne savent plus où donner de la
tête. Comment un pays aussi riche, aussi beau, aussi intelligent
peut-il déprimer ? Ce nest pas sans rappeler de tristes
souvenirs à ceux dentre nous qui ont traversé
la Terra Incognita de la dépression : avec tout ce que tu
as, pense à tes enfants, bouge-toi
Ce sont à peu près les mêmes mots, les mêmes
conclusions auxquels arrivent les « panseurs » de la
France.
Retrouver la confiance:
Pourtant ma persévérance à les écouter
naura pas été vaine. Dans les dernières
minutes la lumière se fait : pour entrer sereinement dans
la révolution libérale il nous faudrait « tuer
» les valeurs qui nous fondent. Valeurs républicaines
(liberté, égalité, fraternité), valeurs
chrétiennes (foi, espérance et charité), valeurs
socialiste (justice sociale). Autrement dit pour avancer nous devons
faire fie de tout ce qui nous permet dêtre humains.
Tout ce qui donne sens à nos actions et à nos vies.
Un seul mot dordre : le consumérisme. La fin justifie
les moyens, haro sur les empêcheurs de consumer (pardon !
consommer) en rond.
A cela fut ajouté quil était presque rassurant
de voir les français résister.
Dépression signe de résistance. Analyse surprenante
mais passionnante de la déprime. Une expression ressurgit
alors de la mémoire de temps pas si lointains : résistance
passive.
La dépression serait donc une solution à disposition
lorsque le ciel nous tombe sur la tête, quil sagisse
dun état de malaise privé ou « national
».
Les conduites animales nous apprennent que face au danger nous navons
que trois solutions : la fuite, lattaque ou la maladie. Dans
quel registre mettre la dépression ? Fuite ou maladie ? Et
si ce nétait ni lune ni lautre mais un
réflexe de survie particulièrement élaboré.
La résistance
Restaurer la conscience
Jamais lintitulé de ce paragraphe ne mest apparu
aussi judicieux.
Restaurer (remettre en état, mot du XII°siècle
de stä : être debout) c'est-à-dire boucher les
fissures lentement creusées par un discours lénifiant
: tout va sarranger, tout le monde est gagnant, nous y arriverons
,
redonner peu à peu des couleurs à nos vies en noir
et blanc mises en code informatique 0 et 1.
Comment restaurer un tableau qui affiche les couleurs clinquantes
dun Las Vegas permanent ? En se penchant sur la conscience
(de scire : savoir, claire connaissance que lon a de soi-même).
Faut-il vraiment que le tourbillon dactivités qui nous
entoure soit puissant pour nous retirer cette connaissance. Cest
pourtant ce décalage permanent entre ce que nous sommes et
ce que lon exige que nous ayons, qui ravage peu à peu
la fresque de nos jours. Une lèpre sans nom, insidieuse qui
décolore nos idéaux avec pour seule échappatoire
la résistance passive, la dépression.
Finalement ne serions-nous pas en train de passer au crible de notre
conscience les mensonges et les trahisons de notre société
soit disant évoluée pour, dans la pourriture de nos
désillusions, voir fleurir une nouvelle façon dêtre
(Français) au monde ?
Il y a pourtant deux formes de dépression. Celle que nous
venons de décrire, passage obligé de « redressement
», et la dépression chronique qui prend son origine
dans la victimisation. (Il nest bien entendu pas question
de la dépression symptôme de maladie mentale)
Le glissement risque à tout moment de se produire si nous
ne savons pas décrypter la justesse de la forme « résistance
». Cette mise en sommeil de la capacité daction
pour la recentrer sur lessentiel.
Renforcer la compétence:
Cest donc tout à la fois un constat désolé
de notre malaise et enthousiaste de notre fabuleuse résistance
à tout ce qui pollue notre « air », qui nous
étouffe à grand coup de compétition, de réussite
chiffrée, de normes en tout genre.
Le fossé est grand entre celui (ou celle) qui se vit comme
victime dinjustices permanentes faisant payer à son
entourage son incapacité à grandir et la grande majorité
dentre nous capable lorsque la pression se fait trop lourde
dun repli stratégique « loin de la fureur et
du bruit ».
Savons-nous toujours détecter devant la demande réitérée
de tranquillisants quelle forme de dépression présentent
nos patients ? Pourrait-on imaginer que lendormissement massif
dune population « hypnotisée » ne sert
finalement que les tenants du consumérisme ?
Vouloir se retirer pour simplement résister à des
évènements pénibles est à ce point inenvisageable
quil faille très vite reprendre le dessus et «
courir avec les loups » ?
Cest à nous soignants de permettre cette restauration
minutieuse et silencieuse dune conscience maltraitée,
sans endormir à tout prix la distorsion entre lêtre
et lavoir. Ce malaise est vital, cest grâce à
lui que tout à coup peut émerger des tréfonds
de la mémoire le souvenir de notre humanité.
l'os court :
« Avez-vous remarqué qu« appointements
» a pour contraire « désappointement ? »
Jean Nohain
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Lettre
d'Expression médicale n°419
Hebdomadaire francophone de santé
24 octobre 2005
Les harceleurs doivent être
les payeurs
Docteur François-Marie Michaut
La presse
sest lassée. Le harcèlement moral, dont on a
tant, et souvent si mal parlé, nest plus un sujet à
la mode. Chaque jour, cependant, sur ce site, plusieurs centaines
dinternautes viennent consulter nos pages, nous poser des
questions, nous confier leurs témoignages. Cette forme moderne
de violence se porte toujours aussi bien. En France, une loi a été
votée il y a quelques années pour que les harceleurs
dans le monde du travail puissent être sanctionnées
par la justice. Ce fut un grand espoir pour toutes les personnes
concernées. Hélas, la difficulté pour les magistrats
de se faire une opinion sur la réalité ou non du harcèlement
fait que cet outil est vraiment bien peu efficace, faute de compétence
des magistrats.
Retrouver la confiance:
Nous avions dans cette LEM proposé que soit constitué
un collège de personnes capables dexpertiser de telles
situations afin dassister et déclairer la justice.
A notre connaissance, non seulement personne na repris cette
idée, mais la nomination dans chaque département par
le Préfet dune sorte de médiateur spécialisé
- comme il est prévu par la loi - est restée lettre
morte. Les groupes de discussion, comme celui que nous avons à
Exmed, se font lécho des défaillances et lâchages
des hiérarchies, tout comme de la grande majorité
des syndicats dès quun cas de harcèlement est
mis à jour. Cette situation nest pas digne dun
pays qui se vante volontiers de pouvoir être la patrie des
droits de lhomme. Voilà, dit sans détour ni
langue de bois, le climat de perte de confiance de ceux qui sont
les cibles des harceleurs demeurant impunis.
Restaurer la conscience
Lune des conséquences du harcèlement est de
précipiter facilement ses victimes vers des ennuis de santé.
Quand la cessation de travail nest pas la seule façon
pour un praticien de faire échapper un patient à une
situation dangereuse pour sa santé et intenable psychologiquement,
cest quelle est liée soit à des atteintes
somatiques, ou plus exactement psychosomatiques, soit à des
troubles psychiques comme des états dépressifs majeurs.
Avec le risque de suicide que cela comporte, tout médecin
le sait et la presse en a parlé. Quand on a clairement conscience
que la violence psychologique est aussi destructrice de la santé
que la violence physique, une question logique se pose. Est-il admissible
que les cotisations dassurance maladie que nous payons sur
notre travail serve à payer les dégâts occasionnés
par laction perverse de quelques uns ? Il y a là une
profonde injustice qui ne semble émouvoir personne. Mettons-nous
bien daccord : que lassureur soit de droit semi-public
comme lassurance maladie modèle 1945 dite sécurité
sociale en France, soit purement mutualiste ou soit ouvertement
commerciale ne change strictement rien à notre propos. A
cet assureur multiforme, nous demandons de nous donner ... une assurance
qui nous manque si cruellement à nous les citoyens. Et aussi
dapporter à tous les soignants des éclopés
du Harcèlement une aide quils sont seuls à pouvoir
leur fournir avec léchec de fait de la justice que
nous avons évoqué plus haut.
Renforcer la compétence:
Lidée est simple. Il suffit de lire la feuille de soins
de la sécurité sociale. Il est demandé à
chaque assuré de préciser si un tiers est en cause
dans la survenue dun accident ou dune maladie. Il suffit
également de remarquer comment nos compagnies dassurances
sacharnent à rechercher la responsabilité du
moindre accrochage routier pour faire payer les dégâts
par la partie adverse. Il y a harcèlement moral suspecté
dans une entreprise ? Les certificats médicaux, avis de la
médecine du travail ou de linspection du travail, interventions
des syndicats sont utilisables pour linformation des assureurs.
Plus banalement, la surveillance de la proportion de salariés
en arrêt de travail dans un service donné est un indice
majeur.
Trente six personnes sur cent ne travaillant pas dans une ancienne
administration privatisée, comme nous la confié
lune de nos colistières, voilà qui devrait interroger
notre assurance maladie. Linformatique devrait facilement
donner ce type dindication. Et après une expertise
serrée, si la réalité du harcèlement
dans le travail est reconnue, cest lentreprise qui a
laissé faire les harceleurs, voir les a encouragés
à agir pour pouvoir contourner le droit du travail qui doit
payer tous les frais de maladie. Le principe : les pollueurs doivent
être les payeurs sapplique pleinement à la pollution
psychologique des relations de travail. Les harceleurs doivent être
les payeurs. Les toucher directement au porte-feuille, cest
la seule façon de les empêcher de nuire. Pour terminer,
nous ne saurions trop encourager nos confrères à systématiquement
faire passer en accidents de travail les cas de harcèlement
quils rencontrent, ce qui est parfaitement légal, car
cela oblige lassurance maladie à prendre en compte
la réalité de ce fait de société, et
à assurer ses responsabilités. Hélas, en matière
de harcèlement dans la vie privée ou familiale, et
cest très fréquent, il semble bien illusoire
de faire payer les harceleurs.
l'os court :
« Au royaume des sourds,
les aveugles sont muets.» Jacques Sternberg
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Lettre
d'Expression médicale n°420
Hebdomadaire francophone de santé
31 octobre 2005
Meurtre ou délivrance
?
Docteur Gabriel Nahmani
Une mère a été poursuivie en justice pour
avoir tué sa fille handicapée. La cour d'assises du
Nord à Douai a jugé à partir du mardi 18 octobre
une mère de 45 ans pour le meurtre, à coups de couteau,
de sa fille handicapée physique et mentale de 9 ans, le 15
avril 2002. L'accusée a reconnu l'avoir étendue sur
le sol, avant de la tuer de 4 coups de couteau portés au
cou. Sa fille L
était atteinte du syndrome de West,
une forme très grave d'épilepsie. Elle était
entièrement dépendante et ne pouvait recevoir que
des traitements de confort.
Retrouver la confiance:
Pourquoi relevè - je un tel événement aujourd'hui
? Ma petite fille Mirabelle a juste 9 ans et demi, ses parents sont
âgés de 43 ans, elle est elle aussi atteinte de la
même maladie qui en a fait une handicapée profonde,
affection se surajoutant, pourquoi lésiner après tout,
à une trisomie non diagnostiquée pendant la grossesse:
peut-on imaginer le calvaire de ses parents ( et 4 grands parents
aussi ) et des voisins quand un tel enfant ne dort pas, cogne sans
arrêt sur les murs, le parquet, contre les cloisons, ne sait
pas manger seule et ne mange que mouliné car ne sait pas
mastiquer, ne parle pas mais marmonne ou hurle des heures durant
avec
des attitudes ou gestes répétitifs
Restaurer la conscience
Peut-on espérer que, comme dans le cas de Vincent Humbert
" euthanasié " par un médecin compatissant,
les juges de Douai, les procureurs et tous les donneurs de leçons,
et Zeus sait s'ils sont prolixes, fassent d'abord l'effort d'imaginer
ce qu'est une telle existence et ensuite preuve de compassion avant
tout ?
Renforcer la compétence:
Qu'en pensent nos amis exmédiens ? Ne serait-il pas utile
d'aborder ce genre de questions comme l'ont été il
y a peu, ici, les problèmes sectaires ?
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le
faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte
vous touche, vous plait, vous déplait ou vous semble mériter
telle ou telle réponse, d'un simple clic sur la photo de
l'auteur un courrier électronique de votre part lui parviendra.
FMM, webmestre.
l'os court :
« Bien des choses me font
du mal qui ne font aux autres que de la peine. » Lichtenberg
( 1742-1799)
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Lettre
d'Expression médicale n°421
Hebdomadaire francophone de santé
7 novembre 2005
Refus de se soigner ou de
soigner
Docteur Françoise Dencuff
Il y a
quelques semaines, le Quotidien du médecin abordait un sujet
toujours délicat dans lexercice de la relation soignante.
Le refus de soins quil soit le fait du patient ou du médecin.
Il me semble important au moment où le patient se trouve
fortement lié administrativement à son médecin
traitant daborder ce que le législateur a baptisé
du doux nom de : consentement éclairé.
Retrouver la confiance:
Depuis linstauration du Code de Déontologie, il est
reconnu au patient le droit de refuser un soin ou un praticien mais
ce nest que depuis 2002 que cette « permission »
jusque là officieuse est devenu obligation.
Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé (art 111-4 csp:
alinéa 2 et 3) : « Le médecin doit respecter
la volonté de la personne après l'avoir informée
des conséquences de ses choix. Si la volonté de la
personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en
danger, le médecin doit tout mettre en uvre pour la
convaincre d'accepter les soins indispensables. Aucun acte médical
ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement
libre et évalué de la personne et ce consentement
peut être retiré à tout moment. »
Pourtant avant même la promulgation de la loi le conseil d'Etat
apporte une nuance : « La volonté du patient peut être
méconnue à la triple condition : qu'un acte médical
soit indispensable à sa survie, que cet acte soit proportionné
à son état et réalisé avec l'intention
de le sauver. » (arrêt du 26/10/2001)
Il est donc question de consentement libre et évalué.
Difficile de vérifier chez nos patients ces deux notions
de liberté et dévaluation. Libre jusquoù,
évalué par qui ?
Pour se préserver de futures poursuites judiciaires le médecin
doit faire remplir et signer à son patient un certificat
de refus de soins ou d'hospitalisation qui a « pour objectif
de démontrer à la justice la qualité de l'information
délivrée au patient : information simple et compréhensible
reçue par un patient en pleine possession de ses facultés
mentales, détaillant les risques encourus. Il doit obligatoirement
être accompagné d'une observation médicale écrite,
confirmant le fait que le patient a été examiné,
que son état clinique a été décrit et
évalué. Le certificat doit être cosigné
par au moins un accompagnant ou une tierce personne (personnel soignant
à l'hôpital) ».
En cas de refus de signature du certificat, il est nécessaire
de faire dresser un procès-verbal (par l'administration de
l'hôpital, voire les services de police) et être contresigné
par un accompagnant, ou à défaut un témoin.
Le certificat est établi en deux exemplaires. L'original
est remis au patient.
Et pourtant en aucun cas, ce document n'a valeur de protection juridique
absolue pour le médecin, il est malgré tout pris en
compte comme pièce essentielle en cas de procès.
Cette dernière phrase nous montre bien lambiguïté
du problème : une loi nous contraint au consentement mais
le fait de produire « le contrat » signé par
le patient en présence de témoins ne nous met pas
à labri dun retournement de situation.
Pour ce qui concerne le refus dun médecin à
soigner une personne, le code de déontologie est très
clair : le médecin a parfaitement le droit de refuser un
patient, mais ce refus doit obligatoirement être assorti de
la recherche d'un praticien pouvant assurer les mêmes soins,
de même qualité, à ce patient. Si le médecin
ne fait pas ça, il est en faute et devient condamnable par
la juridiction ordinale.
Un médecin refusant de soigner, en dehors bien entendu dun
cas durgence vitale, nest pas assigné devant
les tribunaux.
Dans son avis relatif au refus de traitement et à l'autonomie
des personnes, le comité consultatif national d'éthique
pour les sciences de la vie donne une série d'exemples où
le médecin peut être en position de refus. Lorsqu'il
juge « inutiles ou coûteuses » des investigations
demandées par le patient alors qu'existent des « examens
plus simples, aussi efficaces et beaucoup moins coûteux ».
Car « il ne faut pas oublier que le médecin reste aussi
un acteur de santé publique ». De même, les situations
d'acharnement thérapeutique : « S'obstiner à
maintenir la vie et non pas la qualité de vie au prix de
traitements excessivement lourds, sans l'espoir, même minime,
d'un bénéfice à court ou moyen terme, ne constitue
pas une obligation. » Dans le cas d'une assistance médicale
à la procréation, le gynécologue ou l'équipe
chargée de la pratiquer peut refuser en raison de l'âge
ou de l'état des personnes : « La responsabilité
de la médecine n'est pas de permettre la réalisation
d'un désir à tout prix. Elle est aussi d'expliquer
avec respect le caractère irréaliste, voire nocif,
de certains projets. » Le refus de mettre en route une réanimation
néonatale du fait d'un jugement pessimiste sur l'avenir du
foetus relève également de considérations médicales.
Cependant, tout comme le patient, le médecin peut exprimer
ses propres valeurs culturelles et refuser, par exemple, une interruption
volontaire de grossesse.
Mais une sorte de refus a tendance à se faire de plus en
plus fréquente : le refus de soins pour les titulaires de
la CMU ou de lAME. Rendez-vous repoussé aux calendes
grecques quand ce nest pas refus pur et simple. Ce sont les
dentistes qui ont la palme de la discrimination.
Les raisons évoquées sont toutes financières
: pas de remboursements des dépassements, délais de
payements trop longs par les caisses
Ces raisons sont véridiques
mais montrent à quel point Mammon règne en maître.
Nos patients demandent de la reconnaissance et de la considération.
Etes-vous surs quune consultation à 20 € permette
de prendre le temps ? La désaffection des jeunes générations
nest pas seulement due à la difficulté du travail.
Nous navons pas créé une génération
entière de flemmards mais ils sont conscients que la valeur
du travail ne peut plus sétalonner sur le nombre de
cadeaux reçus à Noël. Et nous entrons dans le
cercle vicieux : moins de valeur, moins de médecins, moins
de temps donc moins de valeur accordée par nos patients
Restaurer la conscience
De quelle liberté parle-t-on quand nous nous retrouvons dans
langoisse de la maladie ? Nous pouvons craindre que cette
liberté ne soit vécue comme la dernière encore
possible. Devant la difficulté de compréhension des
actes médicaux de plus en plus techniques le patient est-il
vraiment à même de prendre une décision. A ce
questionnement le Comité Consultatif National dEthique
(CCNE) relève que « la complexité accrue des
propositions thérapeutiques et une plus grande autonomie
de décision reconnue aux personnes malades (loi du 4 mars
2002) dans le domaine des soins médicaux ont abouti à
ce que le consentement du malade ne soit plus simplement implicite,
mais doive être explicité, avec pour corrélat
une plus grande attention portée à sa parole, fut-elle
hostile à une proposition médicale » (avis n°
87 « Refus de traitement et autonomie de la personne »)
Les grands mots (maux ?) sont lâchés : la plus grande
attention à la parole du malade. Comment faire pour porter
cette attention quand le temps imparti aux consultations et aux
soins est de plus en plus dicté par le financier ? Car il
est évident que pour quil y ait liberté et compréhension
il faut du temps. Le temps indispensable à la confiance.
Celle du patient envers son médecin mais aussi celle du soignant
vis-à-vis de « son » médecin. Cest
avec le temps que lon peut exprimer ses peurs, ses doutes,
son vécu.
Pour Maître Mario Stasi avocat à la cour d'appel de
Paris et rapporteur de l'avis du Ccne, nous ne sommes pas objet
de soin, mais sujet de soin : ce n'est plus le médecin et
son savoir qui est au centre de la relation, c'est le patient et
sa maladie. La relation de confiance est fondamentale entre le médecin
et son patient. Le premier devoir d'effort de dialogue et de compréhension
part du médecin, puisque c'est celui qui détient le
savoir, et donc le pouvoir.
Le pouvoir de soigner certes, de guérir quelquefois, de contraindre
malheureusement.
Car le refus de soins exprimé par un patient est mal vécu
par le soignant. Pour les membres de léquipe mobile
de soins palliatifs des hôpitaux de Strasbourg cest
une situation violente qui pourra déboucher sur trois de
types de comportements : soit une ignorance pure et simple de la
situation (« qui n'a pas lieu d'exister »), soit une
culpabilité et une peur « à l'origine de comportements
réactionnels à leur tour violents », soit un
questionnement « inconfortable » mais salutaire à
propos du patient, de soi-même et de l'équipe soignante.
Cette remise en question de notre capacité de convaincre,
dexpliquer nous renvoie à notre impuissance face à
la mort. Et la réaction face à cette impuissante est
souvent la colère. Pas seulement parce que nous navons
pas le pouvoir mais aussi parce que nous ne pourrons jamais vaincre
la mort, ni la nôtre, ni celle de ceux que nous aimons ou
/ et que nous soignons. Alors face à cette colère
qui nous envahit nous nous réfugions trop souvent encore
derrière les gestes purement techniques. Il nous faut faire
quelque chose à tout prix. Et ce prix est bien lourd pour
le patient devenu objet de soins
et donc de nouveau «
maîtrisable ».
Renforcer la compétence:
De quelle liberté parle-t-on quand nous nous retrouvons dans
langoisse de la maladie ? Nous pouvons craindre que cette
liberté ne soit vécue comme la dernière encore
possible. Devant la difficulté de compréhension des
actes médicaux de plus en plus techniques le patient est-il
vraiment à même de prendre une décision. A ce
questionnement le Comité Consultatif National dEthique
(CCNE) relève que « la complexité accrue des
propositions thérapeutiques et une plus grande autonomie
de décision reconnue aux personnes malades (loi du 4 mars
2002) dans le domaine des soins médicaux ont abouti à
ce que le consentement du malade ne soit plus simplement implicite,
mais doive être explicité, avec pour corrélat
une plus grande attention portée à sa parole, fut-elle
hostile à une proposition médicale » (avis n°
87 « Refus de traitement et autonomie de la personne »)
Les grands mots (maux ?) sont lâchés : la plus grande
attention à la parole du malade. Comment faire pour porter
cette attention quand le temps imparti aux consultations et aux
soins est de plus en plus dicté par le financier ? Car il
est évident que pour quil y ait liberté et compréhension
il faut du temps. Le temps indispensable à la confiance.
Celle du patient envers son médecin mais aussi celle du soignant
vis-à-vis de « son » médecin. Cest
avec le temps que lon peut exprimer ses peurs, ses doutes,
son vécu.
Pour Maître Mario Stasi avocat à la cour d'appel de
Paris et rapporteur de l'avis du Ccne, nous ne sommes pas objet
de soin, mais sujet de soin : ce n'est plus le médecin et
son savoir qui est au centre de la relation, c'est le patient et
sa maladie. La relation de confiance est fondamentale entre le médecin
et son patient. Le premier devoir d'effort de dialogue et de compréhension
part du médecin, puisque c'est celui qui détient le
savoir, et donc le pouvoir.
Le pouvoir de soigner certes, de guérir quelquefois, de contraindre
malheureusement.
Car le refus de soins exprimé par un patient est mal vécu
par le soignant. Pour les membres de léquipe mobile
de soins palliatifs des hôpitaux de Strasbourg cest
une situation violente qui pourra déboucher sur trois de
types de comportements : soit une ignorance pure et simple de la
situation (« qui n'a pas lieu d'exister »), soit une
culpabilité et une peur « à l'origine de comportements
réactionnels à leur tour violents », soit un
questionnement « inconfortable » mais salutaire à
propos du patient, de soi-même et de l'équipe soignante.
Cette remise en question de notre capacité de convaincre,
dexpliquer nous renvoie à notre impuissance face à
la mort. Et la réaction face à cette impuissante est
souvent la colère. Pas seulement parce que nous navons
pas le pouvoir mais aussi parce que nous ne pourrons jamais vaincre
la mort, ni la nôtre, ni celle de ceux que nous aimons ou
/ et que nous soignons. Alors face à cette colère
qui nous envahit nous nous réfugions trop souvent encore
derrière les gestes purement techniques. Il nous faut faire
quelque chose à tout prix. Et ce prix est bien lourd pour
le patient devenu objet de soins
et donc de nouveau «
maîtrisable ».
l'os court :
« Ce n'est pas que j'ai
peur de mourir mais je préfère ne pas être là
quand ça arrivera. » Woody Allen
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Lettre
d'Expression médicale n°422
Hebdomadaire francophone de santé
14 novembre 2005
Le harcelé et son médecin
Docteur François-Marie Michaut
Pour une fois, mettons au premier rang la personne qui vient
de fermer lhuis, ou la porte si vous voulez, du cabinet médical.
Le médecin nest, dans ce huis-clos, que le second humain.
Second, ce choix de mot nest pas secondaire : car, soumis
au secret, il ne devrait jamais être autre chose que le deuxième
et dernier intervenant de cet acte médical. Notre consultant,
quimporte son sexe, son âge ou son statut social, est
là pour éclairer son médecin sur ce qui lui
arrive. Il raconte sa maladie à lui, avec ses mots, avec
ses explications à lui, avec ses croyances et ses convictions.
Tout praticien en formation a reçu en pleine figure lavalanche
de mots du patient hospitalisé dont il est chargé
de rédiger la sacro-sainte observation. Que
faire de ce fatras, comment retrouver au milieu de tout cela les
symptômes des maladies qui lui ont été enseignées
? Et bien, cest tellement difficile de décrypter dans
ces paroles ce qui est médicalement significatif que la tentation
de considérer la parole du patient comme sans valeur médicale
est extrêmement forte. On comprend ainsi que les jeunes blouses
blanches bâclent le plus vite possible la partie de lexamen
du patient nommée sur le modèle policier interrogatoire
et se précipitent sur les examens de laboratoire, les enregistrements
mécaniques et les images multiples.
Retrouver la confiance:
Dans le cabinet, le même malentendu, en fait le véritable
mal entendu, voir le pas entendu du tout, se poursuit. Tout se passe
comme si le boulot du médecin était de traduire en
termes médicaux ce qui lui est dit. Une gène respiratoire
devient une dyspnée et une fatigue une asthénie. La
méthode est ancienne et a fait ses preuves. Souvenons-nous
de notre Molière et de son célèbre :
Le poumon, le poumon vous dis-je . Elle a aussi ses limites.
Sa limite de validité devient celle de la personne même
du malade. Dès quun tiers est mis en cause, par exemple
: Le comportement de mon mari me rend malade ; depuis que
ma fille est partie, je ne dors plus ; jen ai plein le dos
de mon patron etc.... Pour le médecin, il ny
a là que métaphores au mieux, simples bavardages insignifiants
( dépourvus de sens) le plus souvent. Gigantesque incompréhension
: le patient, en toute confiance, dit à son médecin
sa conviction que quelquun le rend malade. Le médecin
ne tient aucun compte de ce qui lui est confié, sinon par
une attitude compatissante plus ou moins sincère. Son objectif
est ailleurs. Il doit, pense-t-il, se contenter détablir
le diagnostic le plus précis possible des anomalies de fonctionnement
de son patient, afin de pouvoir le soigner au mieux de ses connaissances.
Quand il nest pas spécialiste et se contente alors
dexplorer les seuls organes de son champ dexercice médical.
Restaurer la conscience
Alors, quand un sujet déballe à son médecin
une histoire dans laquelle ce sont les conditions psychologiques
de son travail qui nuisent à son état de santé,
on a toutes les chances daboutir à une impasse totale.
Le médecin fait le bilan de létat du consultant,
et relève une hypertension artérielle, une lombalgie
chronique, une anxiété invalidante ou un état
dépressif caractérisé. Mais il ne va généralement
pas au delà. Il traite chaque symptôme comme il doit
le faire, y compris par la prescription dun arrêt de
travail pour maladie. A-t-il alors clairement conscience quil
enferme ainsi le sujet dans un statut de malade ( hypertendu, lombalgique,
névrosé ou dépressif, par exemple) ? A-t-il
alors clairement conscience quen négligeant la responsabilité
dun tiers dans le déclenchement des troubles ainsi
traités, il impose à lensemble de la population
- dont le patient lui-même- de payer par leurs cotisations
les dégâts causés par un collègue de
travail ? A-t-il pris le temps de réfléchir que dans
ce cas, il sagit dun véritable accident du travail,
quil devrait déclarer comme tel. Avec toute la prudence
nécessaire, comme on le fait pour les certificats de coups
et blessures, cela va de soi. Le médecin ne peut certifier
que les dires du patient. En apporter la preuve auprès de
quiconque nest pas de son domaine, mais de celui des assureurs.
Renforcer la compétence:
Dans ce cas de figure, cest la compétence même
des soignants qui est en cause. Ce qui se nomme harcèlement
moral en France, mobbing chez les anglo-saxons, harcèlement
psychologique au Canada est un cas typique de pathologie systémique.
Il est donc inconnu des médecins, qui ne sont pas du tout
formés à cette dimension des questions de santé.
Le harcèlement moral nest encore, malgré les
remarquables travaux de vulgarisation de Françoise Hirigoyen
( et quelques autres ), quun sujet journalistique plus ou
moins à la mode. Faut-il attendre que les vénérables
responsables de lenseignement médical finissent par
prendre conscience de linsuffisance de notre cadre actuel
dobservation des questions de santé ? Ce sont les malades
mal traités - voir maltraités- qui font tous les jours
les frais de létroitesse de notre vision médicale.
Le harcèlement moral au travail concernerait en Europe près
de 8% des salariés. Lhistoire a montré, heureusement,
que des médecins étaient tout à fait capables
de contraindre leurs institutions à évoluer en osant
suivre leur voie personnelle. Dabord forcément minoritaires,
méprisés et ignorés, ces pionniers ont fini
par convaincre toute une profession. Souvenons-nous de ce modeste
médecin de la Creuse profonde qui eut le culot le premier
dinjecter le vaccin antirabique du chimiste et non médecin
Pasteur. Souvenons-nous de celui qui eut laudace incroyable
de contraindre les élites médicales à se laver
les mains après une autopsie avant daccoucher une femme.
Ce qui se fit dans les siècles précédents,
rien nempêche que cela ne se renouvelle de nos jours.
Monsieur Bill Gates nous a prouvé ces dernières années
que le temps des grandes aventures de la connaissance pouvait encore
être le fait dune personne et non dun groupe,
comme on nous le fait croire si volontiers. La personne nest
pas morte, personne na le droit de nous dire que le travail
de groupe peut dans tous les cas la remplacer.
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le
faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte
vous touche, vous plait, vous déplait ou vous semble mériter
telle ou telle réponse, d'un simple clic sur la photo de
l'auteur et un courrier électronique de votre part lui parviendra.
FMM, webmestre.
l'os court :
« Vous connaissez la différence
entre Dieu et un médecin ? Dieu ne se prend pas pour un médecin.
»
WBlague citée par Martin Winkler, médecin et écrivain
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un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°423
Hebdomadaire francophone de santé
21 novembre 2005
Excès thérapeutiques
Docteur Gabriel Nahmani
Françoise
Dencuff a écrit dans le débat sur la LEM
421 : " pour le médecin généraliste,
isolé
dans la Creuse ( ou en Meuse, pourquoi pas ?),
pas simple de partager. Dautant que ce nest guère
dans la culture médicale, ni dans notre formation. Le refus
de soins étant vécu comme un échec nous avons
peur du regard de nos confrères "
Retrouver la confiance:
J'ai connu quelques " échecs" en 36 ans de pratique,
je ne les ai jamais considérés comme tels, ayant rapidement
admis et partagé la lassitude profonde des patients
et
l'incongruité des excès techniques et thérapeutiques
que je risquais de leur faire infliger, en pure perte souvent: le
médecin devrait sentir d'emblée quand il doit se comporter
en aidant- accompagnant, plus qu'en technicien souvent imparfait.
Paroles, gestes et regards sont souvent plus efficaces que dosages
savants et prescriptions compliquées. A quoi a servi de faire
transporter le vieux Léon, 85 ans, victime d'un accident
vasculaire cérébral, en hélico vers le centre
de neurochirurgie de Reims pour apprendre sa mort survenu pendant
le trajet ?
Des perfusions de plusieurs millions d'unités d'une Pénicilline
ancienne parce que le vieillard présente une température
élevée alors qu'il est plongé dans un coma
profond et que sa fièvre est d'origine centrale et non infectieuse
Restaurer la conscience
Comment agir quand, médecin traitant, on ne peut infléchir
l'ardeur médicale de certains soignants hospitaliers pour
lesquels il FAUT SOIGNER D'ABORD, même quand le patient est
finissant, épuisé, meurtri par la maladie et par les
soins imposés et ne peut ou ne sait refuser et que les familles,
hagardes, épuisées elles aussi, ne savent que manifester
un respect inapproprié et veule devant les médecins
du service.
En pratique individuelle, cela paraît plus facile ( encore
que rare): le patient doit savoir ce qu'il a, comprendre ce qu'il
encourt s'il refuse, le médecin doit alors respecter son
désir
et rester quand même là, (à
défaut d'être las) aidant - accompagnant, et peu importe
alors le regard des confrères et de la maréchaussée
vertueuse: c'est vraiment dans de telles situations que se justifie
l'axiome " dialogue singulier entre deux consciences ":
toi et moi seulement, je te donne ma confiance, fais-en sorte de
la mériter pour que je te respecte, docteur
".
Renforcer la compétence:
Donc, idéalement, quand l'avis du malade réussit à
s'imposer, se contenter des seuls soins indispensables: nursing
surtout, antalgie efficace, et surtout pas de zèle thérapeutique
comme le laisse entendre l'arrêt du 26/10/2001 " «
La volonté du patient peut être méconnue à
la triple condition : qu'un acte médical soit indispensable
à sa survie, que cet acte soit proportionné à
son état et réalisé avec l'intention de le
sauver. »
Vous avez dit " SURVIE " ? Le Survitrage est généralement
supérieur au Vitrage, la Survie est-elle toujours souhaitable
et
souhaitée par le patient et son entourage direct ? Pourquoi
et au nom de quelle éthique le législateur décide-t-il
de méconnaître la volonté du malade ? Que chaque
médecin et chaque politique, juriste ou autre se pose honnêtement
la question: " que souhaiterais-je vraiment pour moi, le moment
venu, si j'ai toute ma lucidité ?"
Le malade subit longtemps le pouvoir médical, qu'on lui laisse,
ENFIN, à la fin, le choix final, me semble
JUSTE. François
Jacob l'avait remarquablement écrit: "
si l'on
n'est pas responsable de sa naissance, on l'est d'une certaine manière
de sa mort. Ce que l'on ne peut oublier,
c'est la peur d'avoir peur,
c'est le DÉGOÛT de devenir dégoûtant,
l'impuissance à éviter l'impotence,
et aussi la terreur
d'être dominé comme un enfant,
de se faire manipuler,
la hantise de devenir autre que ce que l'on est, de penser différemment
et même de ne plus penser du tout.
Et puis le cauchemar d'avoir à subir, d'être agi sans
pouvoir réagir, ni s'expliquer, ni même demander ,
Bref, " le spectre du végétal "
Est-ce cela que proposent les signataires de l'arrêt du 26/10/2001
?
l'os court :
« Ô Seigneur - Soigneur,
laissez-nous nous endormir du sommeil de la Terre»
Gabriel, PCC Vigny
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