Le briseur de cloisons

17 mars 2014
Docteur François-Marie Michaut
lui laisser un message

Du psychiatre suisse Carl August Jung, en vérité, je ne savais pas grand chose jusqu'à ces derniers temps. En gros qu'il a été considéré par Sigmund Freud comme son dauphin désigné jusqu'à ce qu'ils se brouillent tous les deux en 1909. Qu'il soit l'inventeur de la notion d'inconscient collectif et de la mise en avant «d'archétypes» : cela, bercé que j'ai longtemps été par le rationalisme scientifique ambiant, ne m'inspirait aucune confiance, ni aucune nécessité d'examen plus approfondi.

Vous avez probablement voyagé dans un dictionnaire de mot en mot. L'un des termes utilisés dans la définition pique la curiosité et fait défiler les pages pour enchaîner les recherches. Sans prétendre en faire une règle générale, le «hasard» de la rencontre avec tel ou tel auteur, avec telle ou telle oeuvre, me semble souvent fonctionner selon le même jeu.

Ce Jung inconnu, comment savoir un peu qui il est, sans se perdre dans une oeuvre abondante et des commentateurs aussi multiples que bavards ? Lui donner la parole en choisissant ce qu'il a voulu faire savoir aux lecteurs à l'issue de sa longue, solitaire et laborieuse existence. Les dernières oeuvres des créateurs et des artistes sont toujours une forme d'aboutissement qui mérite la plus grande attention. C'est, dans cet état d'esprit, que j'ai lu «Ma vie» Souvenirs rêves et pensées (Gallimard, collection Folio, 1973) publié initialement en 1961 aux États-Unis par Pantheon Books.

Ce fut la découverte décoiffante de ce que je définirais, avec admiration pour la difficulté d'une telle entreprise, comme un généraliste de la psychologie et de la psychiatrie. Comment ne pas reconnaitre qu'il fut, avant l'heure des pionniers américains, un exceptionnel systémicien ? Qu'est ce que c'est que ce système jungien ? Rien de plus, et rien de moins, qu'une vision globale de l'esprit humain. Paraphraser les 564 pages de l'ouvrage est au delà de mes compétences et de la patience des lecteurs. Oser faire revenir au grand jour d'une connaissance rigoureuse cette pestiférée de médecine alchimique, avec son grand maître Paracelse, cela nécessite un courage intellectuel hors du commun. Aurions nous jetté avec l'eau du bain positiviste un certain nombre de bébés prometteurs qui sont restés aux oubliettes de l'esprit humain contemporain ? Et dont nous avons peut-être le plus urgent besoin pour sortir de nos impasses ?

Ce qui m'a frappé, parce que cela rejoint nombre d'observations personnelles, souvent fort anciennes, que je ne savais pas formuler, c'est l'idée que notre inconscient n'est pas limité à notre histoire depuis notre naissance. Le patrimoine génétique de chacun n'est pas créé dès la conception à partir de rien. Il est le résultat scientifiquement observable, de la transmission de parties ce que nos ancêtres depuis leurs origines nous ont laissé. Une sorte de programme informatique pourrait-on dire.
L'idée que, de la même manière, des traces psychiques aussi vieilles que l'humanité elle-même (donc depuis longtemps oubliées par nos consciences) existent en nous et nous influencent malgré nous, n'est pas logiquement inacceptable. De quelle nature peuvent être ces «traces» sédimentées depuis les origines du vivant, la preuve objective de leur existence, la connaissance scientifique, dans son état actuel, est incapable de le dire.
Cela signifie-t-il pour autant que ces sédiments du passé ne sont que le fruit de l'imagination d'esprits inventifs ? À l'évidence, non : ne pas savoir que la terre est ronde n'a jamais été une preuve qu'elle est plate.

Pour balayer, même très superficiellement, cet univers sans fin de l'inconscient collectif, Jung a du se livrer à une gymastique intellectuelle exceptionnelle. Celle consistant à ne jamais se laisser arrêter par une des innombrables cloisons que nous dressons entre les champs de connaissance et d'expérience que nous accumulons. Comme devrait (idéalement) le faire un généraliste avec son malade.
Le champ du religieux, du mythique, de l'archaïque ou de l'irrationnel surgit ? Notre auteur ne l'écarte pas de sa route comme insignifiant. Sous le prétexte qu'il ne relève pas du domaine de la science et de ses outils d'observation.
Alors, si tout est dans tout, comment se repérer dans ce fatras sans limite ? Comment ne pas s'égarer dans des pistes sans issue ? Comment reconnaitre le bon grain de l'ivraie chez ceux qui se réclament actuellement de l'héritage de Jung ?
Ce sont de vraies questions auxquelles chaque cerveau doit apporter sa réponse personnelle. Sans désordre, aucun ordre ne peut jamais voir le jour.


Notes complémentaires :

- Pour un aperçu rapide sur C.G. Jung (junior, car son grand-père homonyme fut aussi professeur de médecine) et son oeuvre, voici une documentation brève.
- À propos de Paracelse



Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience


Renforcer la compétence


Os court : « Nous ne sommes pas d'aujourd'hui ni d'hier ; nous sommes d'un âge immense.»
C.G. Jung
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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