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Formation économique 8

D'un caducée à l'autre n°22

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une conception renouvelée de l'économie ...

... pour une pratique plus saine de la médecine

Le gouvernement trancha. Il y eut une période de montée en charge de 4 ans. Les primes, appelées cotisations sociales, furent acquittées par les seuls employeurs. Le patronat jugea acceptable l'étalement sur 4 ans. Les salariés retinrent qu'ils n'auraient rien à débourser. L'accord fut signé. Examinons ses modalités d'un peu plus près.

Dans l'état initial du projet, il n'était question que de primes salariales. Mais la distinction entre part patronale et part salariale fût introduite. Il fallut donc que " salarial " ne veuille plus dire que relatif au salarié et non pas relatif au salaire. Le ver était dans le fruit. On remplaça les ci-devant primes salariales par des " cotisations sociales ". Comme si c'était en don et non pas en échange ! Comme si tout acte économique n'était pas social ! Personne n'en fit la remarque. Le petit ver se mua en grand serpent de mer.

Les représentants des salariés affirmèrent avoir arraché au patronat une conquête sociale de tout premier ordre. " Pour vous salariés et retraités, la prise en charge ne sera pas seulement dans 4 ans de 80 % des dépenses de soins. Elle sera aussi dès maintenant gratuite ! C'est un acquis social définitif. " On s'en félicita beaucoup dans les chaumières. Comment ce résultat sensationnel fut-il obtenu ? Voyons d'encore un peu plus près les modalités. La France des trente glorieuses servit de modèle au pays P.

L'invention de la part patronale implique celle de salaire brut. " Le brut ", comme on ne tarda pas à dire, devint la base 100 du taux des primes. La différence entre le brut et la part dite salariale fut appelée salaire net. Bien noter que la somme du brut et de la part patronale ne reçut même pas de nom administratif. Carence dramatique ! Ce fût ainsi rien de moins que le vrai salaire qu'on envoya à la trappe. Nous y reviendrons.

L'année 1, la part patronale fut fixée à 1,5 % du brut et la part salariale à 0,5 %. L'année 2, la patronale passa à 3 %, la salariale à 1 %. L'année 3, 4,5 % et 1,5 %. L'année 4, on stabilisa à 6 % pour la part patronale et à 2 % pour la part salariale. Il suffisait donc d'imposer une augmentation minimale annuelle des bruts pour qu'il n'y ait pas de baisse des salaires nets nominaux. On imposa 0,55 %. Cela dégageait une légère hausse du net nominal. Les patrons acceptèrent. La mise en avant de l'effort financier " consenti par les entreprises " (sic) leur donnait les moyens de persuasion pour, à effectif constant et pendant 4 ans, limiter l'augmentation de la masse salariale à 2 % l'an. Ils firent d'ailleurs plus que d'accepter. Leurs syndicats ne cessèrent de proclamer que " les entreprises faisaient un effort sans précédent " pour assurer la gratuité des nouvelles garanties. Les politiciens applaudirent. Et les médecins, que firent-ils ?

... par une conception renouvelée de l'économie

2. Théorie de la marchandise ( suite )

Proposition 3.1. Les capitalismes sont inégalement équivoques

Même en théorie, les contours de la notion de capitalisme sont très flous. Veut-on, par cette notion, donner à penser que le dirigisme absolu de la production, de la distribution et de la consommation n'est pas capitaliste ? Mais il y a dans ce cas capitalisme d'État totalitaire. De plus il n'y a plus alors la pratique, en partie libre, d'échanges marchands et de transferts de pouvoirs d'achat. Il n'y a bientôt plus d'économie du tout !

En pratique, le capitalisme, au singulier, ça n'existe pas vraiment, sauf à dire du capitalisme que c'est l'économie. Dans tous les pays, plusieurs capitalismes en relation les uns avec les autres sévissent en même temps. De plus, ils évoluent sans cesse. L'observateur attentif doit en venir à distinguer des types instables de capitalisme. À tout le moins, celui des plus grandes entreprises n'est pas le même que celui des moyennes. De leur côté, les petites entreprises tendent à en pratiquer un qui leur est propre.

L'économie est à bien des égards une discipline d'organisation. Comme tout propos organisationnel, celui d'un capitalisme est plus ou moins clair et viable sur longue période - plus ou moins équivoque, donc. Pour exemple actuel, le mot d'ordre, dans les grands groupes, du maximum de création de valeur pour l'actionnaire n'est pas du tout aussi clair et aussi durablement viable que ses prosélytes feignent de le croire ( Cf LEM 115).

D'un caducée à l'autre n°23

 

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

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... pour une pratique plus saine de la médecine

Le corps médical ne prit pas position. Notre métier, disaient en privé les médecins, est de soigner. Il n'est pas de savoir comment financer le coût des soins. La tentation même d'envisager qu'il y ait dans cette affaire une imposture était repoussée par les médecins aussi.

L'imposture a été, au pays P, de faire comme si la mise en place du système ne coûtait rien à ses bénéficiaires. Quel serait à long terme l'effet de cette gratuité apparente ? La question fut posée à un économiste de grande notoriété. Il répondit qu'à long terme nous serions tous morts. AlorsÉ Le remboursement à hauteur moyenne de 80 % des dépenses se mettait en place. Ce n'était pas le moment de cracher dans la soupe !

Mais il n'y eut pas que ce grand économiste pour se méprendre. Personne ne dénonça l'envoi à la trappe du vrai salaire. C'était renforcer un cloisonnement néfaste. Il fallait au moins donner un nom au vrai salaire, somme du brut et de la part patronale des primes. Il fallait, mieux encore, une fiscalisation identique des revenus complets du travail des auto salariés (libéraux, indépendants) et des hétéro salariés (tous les autres). C'était inciter à plus de comparaisons et de transparence. C'était presque l'enfance de l'art de l'organisation du marché du travail. Et de plus encore.

Le prix horaire des prestations d'un auto salarié n'est déjà pas au même niveau que le vrai salaire horaire d'un hétéro salarié. Au vrai salaire de l'auto salarié s'ajoute des frais généraux. Il s'ajoute aussi un profit normal. La différence de niveau augmente si le salaire horaire de l'hétéro salarié est le brut, voire le net. Tient-on à faire du prix des prestations des auto salariés un sujet permanent de scandale ? C'est comme cela qu'il faut s'y prendre.

Les modalités de paiement des primes d'assurance maladie adoptées au pays P faisaient que le plus gros de la population était assuré par un tiers et non pas par eux. Cet état de tiers assuré devait conduire à la longue à un déficit chronique du régime obligatoire. C'est ce qui se produisit. Passons sur les péripéties. Notons, pour l'essentiel, qu'il fallut plusieurs générations pour y arriver. Rien de plus normal. Ce n'est pas du jour au lendemain que les tiers assurés se laissent aller à l'irresponsabilité. Il faut le temps qu'ils se forment et qu'on les forme à cette exception.

Hélas, trois fois hélas, la vérité oblige à faire ici état d'un fait qui n'honore pas le corps médical. Mais le corps médical du seul pays P, qu'on se rassure. Un peu plus de deux générations de blouses blanches firent merveille dans cette formation des tiers assurés. Elles firent grande consommation de l'adage selon lequel la santé n'a pas de prix. Leurs actes à elles ayant un prix, elles y gagnèrent une solide réputation d'hypocrisie économique. Mais, une fois encore, qu'on se rassure. C'est au pays P que de telles choses se sont passées.

 

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3. Théorie du capital et du profit ( début)

Proposition 3.2. L 'emploi du mot "capital" est nécessaire aux capitalismes les moins équivoques

Les médecins ont-ils le devoir de choisir, pour leurs professions, les formes de capitalisme les moins équivoques ? Est-ce bien dans le droit fil du serment d'Hippocrate ? La réponse positive s'impose d'elle-même. Mais les moyens d'instruction de ce choix ne sont pas évidents du tout. Parmi ces moyens, il y a le vocabulaire utilisé. Dans ce vocabulaire, quelques mots sont les clés de voûte du discours tenu. " Capital " vient au premier rang de ces mots.

Pour qu'il y ait échange, il faut qu'il y ait production. Pour qu'il y ait production, il faut des outils et des hommes Est-il pour autant judicieux de dire que les outils et les hommes sont le capital qui donne effet productif au travail humain ? Pour qu'une entreprise achète des outils et embauche du personnel, il lui faut disposer d'une avance d'un type particulier. L'usage est d'appeler " capital " cette avance. (A suivre)


D'un caducée à l'autre n°24

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Fallait-il, au pays P, renoncer à l'obligation d'assurance maladie ? Pas du tout. Ce n'est pas le principe de l'assurance qui s'est révélé défaillant. Ce n'est pas plus son caractère obligatoire qui a trop chargé la barque. Il aurait fallu avant tout organiser en vérité le paiement et le calcul des primes.

 

Voyons d'abord la question du paiement. Au pays P comme ailleurs, verser la totalité du salaire à son bénéficiaire en numéraire n'a jamais encore été la règle. Pire, l'interdiction de le faire résulte de nos lois et règlements. L'employeur paie pour le compte du salarié des services fournis à ce salarié. Les prestations des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et de retraite complémentaire font partie de ces services. L'usage et la loi obligent l'employeur au rôle de tiers payant.

Ce rôle était dans les mÏurs avant l'instauration de la Sécurité sociale. Tirons du sommeil du juste un médecin du temps des visites à cheval. Comme tous ses confrères bien installés, il emploie des domestiques. Il a passé avec chacun d'eux un contrat. Il est stipulé dans chaque contrat à quelles conditions le logement et la nourriture sont assurés et quel est le montant des gages. Les termes mêmes du contrat ne laissent aucun doute. Les parties sont d'accord sur le fait que le coût du logement et de la nourriture sont des éléments du salaire. Sur ces éléments, l'employeur est tiers payant.

 

Ce qu'on appelle aujourd'hui " le coût du travail " n'est rien d'autre que le salaire entier. C'est lui le vrai salaire. À la part payée en argent au salarié s'ajoute la part sur laquelle l'employeur est tiers payant. Autrement dit, au salaire net s'ajoutent les cotisations payées par l'employeur pour le compte et au bénéfice du salarié. Il se dit aussi qu'au salaire direct s'ajoute un salaire indirect. Mais c'est une façon de parler qui laisse planer le doute. Le salaire dit indirect est, en effet, une dépense au bénéfice direct du salarié...

 

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3. Théorie du capital et du profit ( suite)

( Fin du commentaire de la proposition 3.2. ) L'usage juridique et comptable appelle " capital " l'apport en échange d'une partie ou de la totalité de la propriété d'une entreprise. Cette propriété comprend celle des profits de l'entreprise, au prorata de l'apport en capital. Au final, l'apport en capital est échangé contre les profits de l'entreprise. Cet apport est récupérable. Il l'est le plus souvent par la vente du titre de propriété détenu. Il peut aussi l'être, si la gestion a été assez heureuse et prudente, à la liquidation de l'entreprise.

 

Cet emploi moderne, d'origine juridique et comptable, du mot " capital " est très pertinent. Pour acheter des outils et embaucher des hommes, il faut certes avoir des débouchés en perspective. Mais, dans l'immédiat, il faut disposer de l'avance nécessaire pour y procéder. Sinon en totalité, au moins en partie complétée par un emprunt. Dans la chaîne de cause à effet, la mobilisation de cette avance vient avant l'éventuel emprunt complémentaire. Elle vient aussi, bien sûr, avant l'utilisation qui en est faite. L'avance est bien le maillon de tête - le maillon capital. Les facilités de crédit en viennent à le faire oublier.

Cet usage est cependant imbriqué avec un autre, plus ancien, qui consiste à dire d'un terrain, d'un bâti, d'un parc de machines, d'un stock, d'une somme d'argent qu'ils constituent un capital. Le troupeau d'un éleveur est, à ses yeux, un capital. Grande est la tentation d'appeler " capital " à peu près n'importe quel stock. C'est ce que les économistes font eux aussi. Ce faisant, ils contribuent à masquer une cause première.

L'économie politique néoclassique fait grand cas du " capital physique ". Ce dernier est ce qu'on appelle en comptabilité les actifs du bilan. Or si plus de crédit que de fonds propres finance les actifs, l'économie est d'un type. Dans le cas contraire, elle est d'un autre type. Ces deux types n'ont pas les mêmes capacités sociales. Plus encore, ils ne sont pas porteurs de la même civilisation. Il est essentiel que le choix reste ouvert. Le corps médical ne prit pas position. Notre métier, disaient en privé les médecins, est de soigner. Il n'est pas de savoir comment financer le coût des soins. La tentation même d'envisager qu'il y ait dans cette affaire une imposture était repoussée par les médecins


D'un caducée à l'autre n°25

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Une pratique plus saine de la médecine

par une conception renouvelée de l'économie

Qu'en est-il du " coût du travail " ? Les chefs d'entreprise réclament sa baisse. Elle est censée réduire le chômage. Démonstration ? Un petit coup d'offre et de demande, le tour est joué. Mais n'est-ce rien que par des ajustements entre offre et demande que l'économie marche ? Le niveau de l'emploi résulte, avant tout, d'autres facteurs que du montant des salaires nominaux. La théorie du capital et du profit nous y ramènera dans le N°26.

Tant que persistera la mode de mettre en avant le " coût du travail ", il faudra se répéter qu'il s'agit en fait du vrai salaire. Une baisse généralisée des vrais salaires ne serait pas une contribution durable à la création d'emplois. Pourquoi ? Les prix de vente pratiqués par les entreprises baisseraient. En quelques mois, le pouvoir d'achat réel des salaires suivrait le même mouvement.

Hélas, ce raisonnement simple n'est pas courant en l'absence de formation aux vérités élémentaires de l'économie. Au contraire, nous avons accentué les déformations qui nous ont été léguées. Trois erreurs y ont beaucoup contribué. Le bien-fondé du dispositif de l'employeur tiers payant n'a pas été remis en cause. L'illusion du profit maximum en tant que " but " de l'entreprise a été sacralisée. Enfin, l'expédient de la fiscalité indolore a été élevé à la hauteur d'un dogme.

Le corps médical est-il sous l'emprise de ces erreurs ? Il l'est son insu ? Cela ne change rien aux conséquences qui en résultent. Le corps médical a-t-il encore le pouvoir réduire ses tutelles à leurs seuls rôles nécessaires ? Plus encore, rendre à son éthique son cadre naturel est-il aussi devenu impossible ?

Dans ce cadre naturel, le profond respect de la dignité et de la liberté de l'individu est en attente. Le dispositif de l'employeur tiers payant est déplorable de ce point de vue . N'entrave-t-il pas une prise en charge du salarié par lui-même ? Sa critique ne doit-elle pas s'appuyer d'abord sur des considérations morales ? L'économie en cette affaire, ne peut avoir que deux objectifs. D'abord, le procédé de l'employeur tiers payant fait-il partie de la logique des échanges marchands ? Enfin quelle est la neutralité économique de ce procédé ?

Rien en économie n'implique la pratique de l'employeur tiers payant. Faut-il aller jusqu'à y voir une persistance de l'aliénation du domestique de naguère ? Voire de l'esclave de jadis ? En tout cas une concession à la facilité ? Quoiqu'il en soit, n'imputons pas à la mécanique des échanges ce qui ne provient pas d'elle.

Voyons aussi que ce procédé n'est pas neutre économiquement. Dans le cas des soins médicaux, n'affranchit-il pas trop les intéressés de s'interroger sur les coûts de leurs demandes et de leurs offres ? Les soignés se rendraient-ils mieux compte du coût de leur demande globale de soins si la totalité des primes d'assurance sortait de leurs poches ? Les soignants feraient-ils alors plus grand cas des coûts de leurs offres s'ils avaient à faire à de tels soignés ?

Les soins médicaux sont, répétons-le, des produits industriels. Nos énarques, entre autres, sont persuadés que l'offre et la demande règlent, avant tout, le niveau des prix de ces produits sur un marché libre. En réalité, ce sont les coûts de production, profits inclus. Affirmons-le pour l'instant, nous le démontrerons plus loin.

La boucle est bouclée. Notre médecine plus saine a de plus hautes exigences morales. Les lois naturelles de l'économie, elles, ne jouent que dans la limite de certains états d'organisation. Les exigences morales motivent et guident la conception de ces états d'organisation. En retour, cette organisation doit faire entrer ces exigences dans la réalité vécue par tous.

Ce cercle vertueux est possible si l'éthique médicale intègre une conception de l'économie avec laquelle elle est cohérente. Sans cela, n'y a-t-il pas dans l'humanisme des médecins une faille mortelle ?


D'un caducée à l'autre n°26

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecine

Notre pays imaginaire P est bien dans une impasse. Les déficits dits sociaux s'y creusent. Pour tenter de les enrayer, un rationnement qui ne dit pas son nom a été mis en place. Mais rien n'y fait. Chaque train de mesures entraîne bien une baisse immédiate des déficits. Cette baisse n'en est pas moins suivie d'une nouvelle augmentation. Le système reste structurellement déficitaire à P. Peut-on sortir de l'impasse ?

Un chemin n'a-t-il pas conduit dans cette impasse ? Tentons de le parcourir en sens inverse. On a cru sincère et progressiste le procédé de l'employeur tiers payant. N'est-ce pas en réalité un archaïsme et un expédient ? Les salariés y perdent la plénitude d'un pouvoir qui leur revient en toute justice. Tous admettent, au pays P, qu'un homme ne doit pas devenir la propriété d'un autre. Ce fut en son temps la base de l'abolition de l'esclavage. Mais tous admettent-ils également qu'une partie substantielle du salaire complet ne doit pas être gérée comment si elle était la propriété de l'employeur ? Un progrès possible et nécessaire n'est-il pas ainsi laissé de côté ?

Tant qu'une masse critique de citoyens du pays P ne soutiendra pas ce progrès, la sortie de l'impasse restera très peu probable. Les médecins, et leurs patients, ne sont-ils pas directement touchés par le rationnement des soins ? Quelle bonne raison d'Ïuvrer à la constitution de cette masse critique. Mais au pays P comme ailleurs, pourquoi ne le faisons-nous pas encore ? Nous y reviendrons ensemble.

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3. Théorie du capital et du profit (suite)

Ndlr : A la suite de vos réactions, le responsable de cette formation a estimé qu'il avait mal engagé la troisième partie des propositions. C'est pourquoi il la reprend ici depuis le début. Notre mode de fonctionnement est assez souple pour qu'on puisse rectifier nos propos au fur et à mesure de leur avancement. Lecteurs, n'hésitez pas à formuler vos questions et attentes.

 

3.1. Convenons de n'appeler " capital " que les " fonds propres ".

Il s'agit des " fonds propres " des entreprises et d'elles seules. La création ou la reprise d'une entreprise nécessite des fonds. Son agrandissement aussi. Ces fonds peuvent être, en partie ou totalité, apportés aux entreprises par leurs propriétaires. On dit alors, par définition, qu'il s'agit des " fonds propres ".

Encore faut-il qu'il s'agisse d'apports permanents, au sens premier de cet adjectif. Ils sont placés dans l'entreprise pour une durée indéterminée. Ils ne sont récupérables qu'à la revente du droit de propriété ou à la liquidation de l'entreprise. Certes la récupération peut être supérieure à la mise. Mais elle peut aussi être très inférieure. Il n'est pas rare qu'elle soit nulle.

Les fonds propres font partie des différents stocks que la pratique des échanges marchands nécessite. Dans chaque entreprise, il faut un double jeu de stocks. Il y a les stocks des ressources financières. Les ressources sont comptabilisées au passif du bilan. Il y a les stocks des emplois faits de ces ressources. Les emplois sont comptabilités à l'actif du bilan.

Parmi les différentes sortes de stocks, quelle est celle qui joue le rôle le plus important ? La réponse varie-t-elle d'un cas à l'autre ? Qu'en est-il à l'échelle de l'économie d'un pays tout entier ?

Une théorie correcte de l'économie peut-elle être formulée sans utiliser le mot " capital " ? Alors de deux choses l'une. Ou bien cette théorie fait apparaître qu'il n'existe pas un stock qui joue un rôle plus fondamental, étiologique pour les médecins, que les autres. Ou bien une de ses affirmations est qu'un des stocks joue un tel rôle. Dans ce dernier cas, ne devient-il pas nécessaire que la théorie d'abord, puis peu à peu la pratique, utilise UNIQUEMENT le mot " capital " pour désigner ce stock ?

La thèse soutenue ici est que le stock plus capital que tous les autres est celui des fonds propres. Deux grandes régulations produites par l'économie libre bien organisée confortent beaucoup cette thèse. Il est très remarquable pour ceux qui s'intéressent aux questions de santé des hommes que ces deux régulations soient sociales. L'une est celle du niveau de l'emploi, dont l'actualité politique française semble commencer à prendre conscience. L'autre est celle du niveau des salaires. Leur étude est, bien entendu, au programme. Une tasse de café et un comprimé contre le mal de tête pour continuer, amis médecins ?


D'un caducée à l'autre n°27

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Une pratique plus saine de la médecine

Quand nous disons que les médecins du pays P sont directement touchés par le rationnement des soins, précisons bien. En premier lieu, il s'agit du rationnement des remboursements des soins. En second lieu, ces restrictions n'ont pas encore tiré vers le bas le revenu moyen net des médecins.

Les économètres de P qui suivent ces questions tirent bien sûr leur explication de statistiques. La consommation de soins continue à augmenter plus que toute autre dépense des ménages. Ils en concluent que c'est pour ça que le revenu moyen net des médecins n'est pas tiré vers le bas.

Un autre indicateur montre que le nombre annuel d'actes par médecin ne cesse d'augmenter. On en tire la conclusion que la " productivité " des médecins est à la hausse. En réalité, que font presque tous les médecins qui le peuvent ? Ne réduisent-ils pas la durée moyenne de consultation ? N'allongent-ils pas leur temps de travail ? Vous pouvez ainsi faire face à la baisse relative du tarif des actes médicaux.

Cette réaction est-elle inavouable ? Le fait est que les médecins ne l'avouent pas. Le fait est aussi que cette réaction cadre mal avec tout un pan de votre déontologie. Cependant, il n'y a rien d'anormal dans une telle réaction. Des multinationales aux légions des travailleurs indépendants, chacun cherche une parade à une tendance longue à la baisse de ses prix de vente.

Au pays P, n'est-ce pas un pan de la déontologie médicale qui n'est pas en phase avec la réalité économique ? Il ne l'a jamais été. En économie, le vieux stock d'idées bourgeoises était déjà en bonne partie avarié. Ce qui l'était le moins, les modernes l'ont perverti. Du coup les capacités de perception du réel économique des citoyens de P ont baissé. La rumeur médiatique tient lieu de pensée critique à P. Cette rumeur est de plus en plus manipulée par les pouvoirs publics. Des médecins ont bien pris conscience de l'effort à consentir. Ne se heurtent-ils pas , de la part même de leurs confrères, à beaucoup d'incrédulité, voire à une franche hostilité ?

 

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3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.2. Seuls les bénéfices des entreprises sont des "profits" (1).

Les théoriciens de l'économie en sont venus à utiliser les notions élémentaires de capital et de profit dans des sens qui ne désignent plus rien de concret. Bon moyen pour s'enfermer dans l' imaginaire ? Le discours peut ainsi alimenter le discours en retirant tout pouvoir aux faits. Le pouvoir, quel qu'il soit, n'y trouve-t-il pas son compte politicien ?

Les faits n'en restent pas moins là. Les suivants sont-ils indéniables ? Les entreprises ont des fonds propres. Ces fonds sont appelés " capital ". Cet usage est très courant. Les entreprises ont des résultats. Une entreprise fait des bénéfices quand son résultat est positif. Elle fait des pertes quand son résultat est négatif. Les bénéfices d'une entreprise sont appelés " profits ". On parle souvent ainsi.

Ces faits dictent le sens dans lequel il convient d'employer les mots " capital " et " profit " en théorie économique. La précision des termes y est peu en usage. N'est-elle pas nécessaire pour bien identifier les liens de causalité en économie ? Pour la théorie de cette causalité, il est pour le moins prudent d'affecter aux mots clés un sens univoque. " Capital " et " profit " font partie des mots clés de l'économie. Convenons donc de n'utiliser l'un et l'autre que dans un seul sens. Vous êtes d'accord ?

Distinguons d'abord les profits des plus-values. Les profits sont le revenu du placement en capital. On dit aussi qu'ils en assurent le rendement. Un profit annuel est la contrepartie, en échange, d'un placement pendant cette année. Les plus-values ne sont pas, comme les profits et les salaires, des revenus. Étudier les rôles du capital et du profit est une chose. Étudier les causes et les conséquences des plus et des moins-values en est une autre. Il serait dangereux de confondre les deux notions.


D'un caducée à l'autre n°28

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Une pratique plus saine de la médecine

Quittons un instant notre pays P. En France aussi les passions aiment les terrains vagues. Un Ministère de la Santé. Une Économie de la Santé. Des Professionnels de la Santé. Demain des Facultés de la Santé ? Et des Docteurs en Santé ? Ce sont de bonnes dénominations pour rester dans le flou.

Pourquoi ? Fallait-il mettre des mots à la place de solutions efficaces ? N'y a-t-il pas un semblant de vérité ? Après nous le déluge, les dettes impossibles à rembourser, ce sera pour les générations suivantes. Les lieux impossibles à remettre dans leur état naturel, ce sera aussi à elles d'en faire leur affaire comme elles le pourront. Comme chacun ne le sait-il pas , le progrès fera des merveilles ?

Ce flou des concepts a un autre avantage. Il n'y a pas de solution efficace sans rigueur. Nous ne parlons pas ici de rigueur de gestion. Avant tout de la rigueur de conception. De la vraie rigueur, avant tout morale et intellectuelle. Or n'y a-t-il pas un mot d'ordre tacite ? En économie et en politique, il faut laisser de côté les vertus ringardes. La vraie rigueur en fait partie.

Mais les idées évoluent d'elles-mêmes si elles sont bonnes. Des médecins, notamment, y travaillent dans l'ombre.Peut-être faudra-t-il encore beaucoup de temps pour faire entrer le réel économique dans le mental de votre profession. Leur effort va au delà de la formation. Ils agissent en explorateurs. Leur moisson de faits et d'arguments économiques augmente. Le moment venu, le corps médical saura bien tirer de ce stock une partie du matériel nécessaire pour franchir le pas de la rigueur intellectuelle et morale en économie comme il le fait depuis longtemps en science médicale, n'est-ce pas ?.

Dans ce matériel intellectuel, il ne faut pas que de la théorie, même avec toutes sortes d'illustrations. Il faut des cas réels. La discipline de tout examen clinique ne l'exige-t-elle pas ? Bientôt nous allons examiner ensemble un premier cas clinique, vécu aujourd'hui en France. D'autres suivront, avec quelques voyages de détente dans notre surprenant pays P !

 

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3. Théorie du capital et du profit (suite)

3.2. Seuls les bénéfices des entreprises sont des "profits" (2).

Le propriétaire du capital placé dans une entreprise perçoit périodiquement tout ou partie du bénéfice de l'entreprise. Il peut aussi vendre son titre de propriété à un prix plus élevé que celui que celui auquel il l'a acquis. Dans le premier cas, il y a profit. Dans le second cas, il y a plus-value. Les deux phénomènes doivent être distingués. Il s'agit de deux échanges de nature différente. L' une des deux parties de l'échange n'est pas la même. C'est l'entreprise dans laquelle le capital est placé dans le cas du profit. C'est un acheteur du titre de propriété dans le cas de la plus-value, comme dans celui de la moins-value.

Peut-on alors admettre a priori que la formation des taux de profit résulte du même mécanisme que ceux de la plus-value ? N'est-ce pas une erreur évidente de méthode ? Si cette identité existait, il faudrait en démontrer l'existence. Les données classiques de science économique sont incapables d'éviter cette erreur de méthode, sinon elles se renieraient elles-mêmes. Situation difficilement acceptable, ne trouvez-vous pas ?

Qu'implique en médecine la distinction entre profit et plus-value ? Un cabinet médical, entreprise comme une autre, peut faire du profit. Le doit-il ? Les médecins ne gèrent-ils pas comme si le profit leur était interdit ? Il y a là l'amalgame du profit au revenu du travail et à la plus-value. C'est votre tradition. La fiscalité vous y pousse. Le Code de Déontologie vous y conforte.

Cet usage est-il sain ? Avons-nous affaire à une gestion amputée ? En résulte-t-il une claudication éthique ? Est-ce faste ou néfaste à l'image du médecin ? Que vaut le mépris pour le pharmacien qui, lui, " fait de la marge " ? Ne vaut-il pas mieux des cabinets médicaux exploités avec des marges normales de profit et peu de plus-value ? Pas de plus-value du tout ? Ces questions sont de grande importance , nous y reviendrons après l'étude des rôles régulateurs du profit.


D'un caducée à l'autre n°29

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Une pratique plus saine de la médecine

S est une société à responsabilité limitée (SARL). Créée en 1997., son capital est de 200 mille francs. Il y a deux associés, l'un à 51 %, l'autre à 49. Son objet est la diffusion d'un progrès pour les entreprises. Laissons de côté sa nature , notons seulement qu'il n'est pas encore demandé. Un moyen intermédiaire doit être utilisé : celui de la conception et de la réalisation de logiciels de gestion, indispensables pour introduire peu à peu ce progrès.

 

L'associé majoritaire est le gérant de la société. Aucun des deux associés n'est salarié de la société S. La responsabilité financière des associés est limitée à leur apport en capital : c'est le principe même de la SARL. Mais leur placement est risqué. Ils ne savent pas quand le résultat deviendra bénéficiaire. Ils ne savent pas plus quand la valeur vénale de la société atteindra au moins leur mise en capital. De plus à cette mise s'ajoute le travail non payé qu'ils fournissent. C'est eux qui prennent les décisions majeures. Il y a bien un directeur exécutif à temps plein. Il faut cependant éplucher ses rapports et lui poser des questions. Il faut encore peser le pour et le contre des décisions qu'il propose. C'est autant de temps qui n'est pas consacré par les associés à autre chose.

 

Bien que cheville ouvrière, notre directeur exécutif, lui, n'est pas associé. Deux raisons à ce choix , fort révélatrices. Nos mÏurs économiques sont bien plus perfectibles que les modernistes à tout crin l'admettent.

Voyons d'abord la première de ces raisons.

Les bulletins de paie doivent mentionner la fonction du salarié. Dans le cas du directeur de fait figure la mention " Chef de projet ". La dénomination est assez en phase avec l'objet de la société et les aptitudes du directeur de fait pour être crédible. Mais ce n'est pas la vérité. Il est pourtant prudent qu'il en soit ainsi. Si les affaires marchent mal, le directeur de fait devra être licencié. Les instructeurs du dossier qu'il présentera pour percevoir des indemnités de chômage déduiront de la seule appellation " directeur " tout court, et pire encore " directeur général ", qu'il a été mandataire social. Sa demande commencera par être rejetée malgré les cotisations versées. Il finira sans doute par obtenir gain de cause. Mais après bien des démarches qui ralentiront son rétablissement.

En France, les défauts de ce type ont été renforcés et multipliés depuis deux à trois générations. Tout s'est passé comme si cela répondait à la nécessité d'entraver l'accès à une vraie économie pour tout ce qui touche d'un peu près au " social ". C'est en accord avec l'inaptitude préjugée à la justice sociale de l'économie libre. Dans cette perspective, la " santé " fait, bien sûr, partie du " social ". Et ce qui devait en résulter s'est bien produit.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital et du profit (suite)

 

3.3. Le profit se constate par différence (1, le cas d'école du Dr Sincère).

Examinons le cas du Dr Sincère. Propriétaire et unique praticien de son cabinet, il s'attribue un salaire net. Il fait virer tous les mois ce net de son compte en banque professionnel à son compte en banque privé. C'est au moyen de ce dernier compte qu'il paie son impôt sur le revenu. Il en fait de même pour les impôts locaux. En revanche, il utilise son compte professionnel pour payer ses cotisations de prévoyance (maladie, invalidité, accident) et de retraite. Son cabinet paye donc aussi son " salaire indirect ".

 

Avant de tirer parti didactique de ce cas, posons-nous une question cruciale. Faut-il gérer comme le Dr Sincère ? Professionnel de santé, PS, c'est bien (il s'agit de maladie, en fait de santé, mais passons). Professionnel de santé économiquement sincère, PSES, c'est mieux. C'est dans la ligne de l'esprit du Serment d'Hippocrate. C'est dans la ligne de l'esprit du Code de déontologie. PSES je ne suis que si je respecte dans ma gestion plusieurs distinctions. L'une d'elles est entre le salaire que mon cabinet me verse et le profit que ce cabinet doit produire pour rémunérer le capital investi. Mon intérêt est-il de me placer en marge du jeu économique ? Où est, sur ce point, mon devoir éthique ?

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